Dégâts des eaux
Un rapport des Nations unies révèle
l’ampleur de la crise de l’eau.
dans l’hebdo N° 1044 Acheter ce numéro
Avec la puissance d’un raz-de-marée, l’eau s’annonce comme l’une des crises majeures des prochaines décennies. C’est la conclusion qui se dégage du 3e rapport mondial sur les ressources en eau, coordonné par l’Unesco. Si elle signale quelques politiques nationales encourageantes, cette somme, publiée tous les trois ans et résultat du travail de vingt-cinq organes de l’ONU, laisse peu de place à l’espoir.
L’ampleur du problème sanitaire est déjà notoire : 1,5 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable dans le monde, et 2,5 milliards sont dépourvus de services d’assainissement. Conséquence : dans les pays pauvres, l’eau est à l’origine de 80 % des maladies, tuant trois millions de personnes par an. Dont 60 % sont des enfants, emportés par une simple diarrhée. Si le rapport estime que 90 % de la population mondiale pourrait utiliser de l’eau potable d’ici à 2015, il s’alarme en revanche de l’état catastrophique de l’assainissement : en 2030, le nombre de personnes qui n’auront pas accès à des installations décentes pourrait s’élever à 5 milliards – les deux tiers de la population mondiale ! Pas étonnant : ce poste réclame de très gros investissements.
Pourtant, l’eau rapporte : un dollar investi pour un meilleur accès à l’eau peut rapporter jusqu’à 34 fois plus, souligne le rapport. C’est une de ses nouveautés : il insiste sur les enjeux économiques de l’eau, renforçant l’hypothèse d’une crise globale en gestation. Le manque d’infrastructures ou la dégradation de la ressource : des milliards de dollars de pertes pour l’Afrique ou les pays arides.
En 2030, près de la moitié de l’humanité vivra dans des régions présentant déjà un risque de pénuries. Mais la cause de la pression n’est plus seulement la croissance de la population ou le dérèglement climatique : c’est, de plus en plus, la course folle à l’énergie ou l’évolution de l’agriculture. Ainsi, alors que la demande en électricité croît fortement, et que les énergies fossiles sont stigmatisées, l’eau est massivement captée par les barrages. L’industrie des agrocarburants – 77 milliards de litres en 2008, un triplement depuis 2000 – accapare non seulement des terres arables, mais aussi d’énormes quantités d’eau, jusqu’à 4 000 litres par litre d’agrocarburant ! L’agriculture consomme ainsi 70 % de l’eau douce utilisée par les hommes (avec d’énormes déperditions), et sa ponction doublera presque d’ici à 2050 si la tendance mondiale de consommation de viande se poursuit : 125 kg par an pour un États-unien, 50 kg pour un Chinois – 2,5 de plus qu’il y a vingt-cinq ans, etc. Or, la production d’un kg de bœuf exige jusqu’à 16 000 litres d’eau, de 4 à 20 fois plus que pour un kg de blé !