Des salariés floués
La direction de Continental ferme son usine de Clairoix, malgré ses engagements et les bénéfices.
dans l’hebdo N° 1044 Acheter ce numéro
Travailler plus, pour perdre son boulot… C’est la triste leçon que sont en train de tirer les 1 120 salariés du site de Continental de Clairoix (Oise) depuis l’annonce de la fermeture de leur site. Plusieurs centaines d’entre eux ont manifesté lundi à Reims en scandant : « Nous sommes tous des Kleenex », soutenus par les syndicats, dont la CFTC, majoritaire, mais coupable aux yeux de beaucoup d’avoir signé en 2007 un accord sur le retour aux 40 heures de travail hebdomadaire.
La centrale chrétienne se déclare « odieusement flouée » par une direction coutumière des méthodes musclées. Car, menacés de perdre leur emploi, les « Conti » de Clairoix avaient accepté un accord prévoyant une augmentation de la durée de travail en échange d’embauches, d’investissements et d’une majoration salariale de 100 euros par mois.
Fin février, le directeur du site picard, Louis Forzy, avait mis le feu aux poudres en évoquant l’ « éventualité » d’une fermeture de l’usine, avant de minimiser la portée de ses propos et d’affirmer le 5 mars qu’ « aucune décision n’avait été prise » . La fermeture serait « une trahison » , a affirmé le secrétaire d’État à l’Industrie, Luc Chatel. Mais, le 11 mars, l’équipementier allemand annonce la fermeture de l’usine de production de pneus de Clairoix, invoquant la chute brutale de la demande en Europe. Au total, 1 900 postes seront supprimés, sur les 160 000 que compte Continental dans le monde. Philippe Marini, sénateur-maire UMP de Compiègne, parle d’une décision « sans justification économique » et d’un « délit d’entrave » à l’information des représentants des salariés. Mais l’équipementier allemand a confirmé récemment dans la presse allemande qu’il « ne reviendra pas » sur sa décision.
Selon un porte-parole de Continental, les coûts de fabrication à Clairoix sont 20 % plus élevés que ceux d’une autre usine française, située à Sarreguemines. Les salariés de Clairoix seraient devenus les mauvais élèves de Continental. Pourtant, l’usine de Clairoix « fait des bénéfices » , a reconnu la direction, qui ajoute que le groupe a essuyé une perte nette de 1,12 milliard d’euros en 2008, alors que les dividendes versés aux actionnaires ont été multipliées par 5 en dix ans. De plus, l’équipementier est empêtré depuis plusieurs mois dans un imbroglio financier : son rachat par Schaeffler, un groupe familial qui croule sous les dettes (10 milliards d’euros) et est désormais incapable de financer seul l’acquisition de Continental, trois fois plus gros que lui. Les « Conti » de Clairoix font donc les frais d’une opération financière organisée par des actionnaires trop voraces.
Dans cette affaire, il n’y a que le président de la CGPME, Jean-François Roubaud, qui a jugé que cela n’invalidait pas l’idée de « travailler plus ».