Flagrant délit d’embabouchure
dans l’hebdo N° 1042 Acheter ce numéro
Donc : Siné, poursuivi pour « incitation à la haine raciale », a été relaxé par le tribunal correctionnel de Lyon. ¡Muy bien! Bravo ! Clapclapclapclapclapclapclap ! (Applaudissements nourris.) C’est, pour de bon, une excellente nouvelle. (Surtout si on se rappelle que Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo , n’a cessé de jurer, pour mieux justifier son renvoi, que jamais Siné ne pourrait gagner un tel procès : tant de pérenne clairvoyance force l’admiration.)
Dommage collatéral : le magistrat qui l’a déclaré non coupable, Fernand Schir, a désormais son fan-club, qui le présente comme une espèce de champion toutes catégories de la liberté d’expression, la vraie. (Celle qui promet : qu’il-pleuve-ou-qu’il-vente-nous-ne-nous-laisserons-plus-JAMAIS-intimider-par-les-oukazes-de- Charlie-Hebdo .)
Or, je ne voudrais pas (trop) gâcher la fête, mais il me semble qu’un tout petit détail est passé un peu inaperçu : c’est que ce vaillant Fernand, pour étayer sa plaidoirie, a tranquillement déclaré, je cite, que, dès lors qu’« une société démocratique » (la nôtre, en l’occurrence) « tolère les croyants embabouchés, en sarouel ou en tchador » , mâme Dupont ? la réciproque doit s’imposer, reconnaissez que ce n’est que justice, de sorte que : « Les embabouchés en sarouel ou en tchador doivent tolérer les critiques des athées [^2]
. »
C’est marrant, hein, comme, dans ce pays, tout retombe toujours sur la gueule des musulmans.
Fernand Schir, on l’aura noté, avait à sa disposition un large panel de croyances. Mais il a fait le choix de moquer plutôt l’islam, entre toutes ces religions : dans un pays dont le président considère, dit-on, qu’il y a autour de nous trop de mahométans (et qu’ils devraient tout de même cesser de tuer tant de moutons dans leurs baignoires), c’est vrai que c’est plus prudent. Ce magistrat est courageux, mais pas téméraire, tout de même.
Ce magistrat, également, néglige que ni les babouches ni (surtout) le sarouel ne sont des attributs religieux : il s’agit de banals vêtements
– d’un usage, il est vrai, plus courant à Chinguetti (ou à Tamanrasset) qu’à Saint-Pourçain-sur-Sioule. Pour le dire autrement : identifier l’islam au port d’un sarouel, comme fait le coruscant Fernand, est aussi pertinent que d’ériger le béret béarnais en signe de soumission aux bulles de Ratzinger.
En somme, et sous couvert d’une défense désinhibée de la liberté d’expression, Fernand Schir met dans un même sac les Arabes, les musulmans, et sans doute aussi quelques Noirs, car la babouche est voyageuse.
En cela, il est tellement de son temps, qu’un de ces jours Charlie Hebdo lui fera sans doute une ovation.
[^2]: Cet « embabouchés » a dû faire marrer grassement Dupont-Lajoie…
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.