Heureux comme un riche en France
En pleine récession, la polémique autour du bouclier fiscal met en évidence la politique sarkozienne de concentration forcenée des richesses.
dans l’hebdo N° 1045 Acheter ce numéro
Le « monde de Neuilly » se porte bien, et même très bien. Il peut se féliciter d’avoir Nicolas Sarkozy comme président et se réjouir que la droite ait inventé le bouclier fiscal. L’actuelle controverse autour de cette mesure met en évidence l’indécence de la révolution fiscale contenue dans la mal nommée loi « en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat » (Tepa) adoptée en août 2007.
Les 10 % de Français les plus aisés possèdent 45 % de la richesse nationale. De quoi faire les courses le pas léger… Fedouach/AFP
Cette loi est emblématique du rétablissement des privilèges en faveur des détenteurs de gros patrimoines, des dirigeants des grandes entreprises et des plus fortunés de ce pays. Quels privilèges ? Des réductions d’impôt permettent aux héritiers aisés de recevoir des successions encore plus élevées, leur permettant de transmettre à leur tour une situation privilégiée. Coût : 2 milliards d’euros en 2008. « Cela représente 3,7 fois le budget des zones d’éducation prioritaires, un quart de l’ensemble du budget de l’enseignement supérieur (université, IUT, grandes écoles, etc.), de quoi construire 18 000 logements sociaux » , relève l’Observatoire des inégalités.
Autre privilège, le dispositif ISF-PME, qui permet d’alléger son impôt sur la fortune en participant au capital d’une PME, a profité à 73 000 foyers l’an dernier, et a coûté 660 millions d’euros. À cela, il faut ajouter le coût du bouclier proprement dit, 458 millions d’euros en 2008, ce qui représente autant d’argent public qui aurait pu être dépensé au profit des catégories qui ont le plus besoin de la solidarité collective, de l’éducation ou du logement.
L’année dernière, la loi Tepa a coûté pas moins de 7,7 milliards d’euros à l’État, certes moins que prévu à l’été 2007. Mais c’est oublier que s’ajoutent à la loi Tepa nombre de niches fiscales, comme les aides à l’emploi à domicile, qui profitent aussi aux grandes fortunes. La réalité de la France de Nicolas Sarkozy est un creusement des inégalités : les écarts actuels indiquent que le revenu moyen après impôts des 10 % les plus riches est environ neuf fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres. Selon le magazine Capital de novembre 2008, les rémunérations moyennes des 50 premiers patrons représentaient 310 fois le Smic.
En tête de ce palmarès, on atteint ou l’on dépasse 1 000 Smic, voire plus de 2 000 Smic. En dix ans, le patrimoine professionnel des 500 plus grosses fortunes a triplé et a progressé trois fois plus vite que la richesse nationale. Une enquête réalisée en 2006 a révélé aussi que les 10 % les plus riches possédaient 45 % des richesses nationales, tandis que la moitié des ménages possédait moins de 90 000 euros et les 10 % les plus pauvres, moins de 900 euros. « Il est désormais clair que la pauvreté à un pôle de la société n’est pas sans rapport avec la richesse économique démesurée à l’autre extrémité » , constate l’économiste Jean Gadrey.
Ces écarts indécents, confortés par le bouclier fiscal, s’imposent « en temps de crise [car] on a besoin de gens fortunés », explique benoîtement Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale. Ainsi, les working rich seraient plus efficaces que la working class…