La chute d’une killeuse

Les derniers jours au pouvoir de Margaret Thatcher. Un documentaire remarquable de William Karel.

Jean-Claude Renard  • 5 mars 2009 abonné·es

Fin novembre 1990, Margaret Thatcher rend les clés du 10, Downing street. Écartée du poste de Premier ministre, elle perd son travail et son domicile après onze années de service.
Bref retour en arrière. À la tête du pouvoir au Royaume-Uni depuis 1979, la Dame de fer n’en finit plus de meurtrir. La poll tax , nouvel impôt injuste, accentue son impopularité au sein même de son parti. Thatcher se croit infaillible. Elle est agressive, autoritaire, développant un culte de la personnalité, gagnée par l’arrogance du pouvoir, rarement avare d’une humiliation. Geoffrey Howe, ancien ministre des Affaires étrangères (et vice Premier ministre) démissionnaire, est le premier à sonner la rébellion conservatrice. Michael Mates et Michael Heseltine portent l’estocade à l’intérieur du Parti conservateur en rebondissant sur la possibilité de renverser Thatcher par un simple vote interne. Celle-ci accumule les erreurs de stratégie et de campagne. Et, sûre d’elle, se rend à une visite diplomatique à Paris. En trois jours, du 19 au 21 novembre, son destin est scellé : la porte.

Plutôt que de brosser le parcours politique de la Dame de fer, William Karel a choisi de se concentrer sur ces trois jours, théâtre de complots et de trahisons. Livrant ainsi l’histoire d’une destitution orchestrée par ses propres ministres, conseillers, directeurs de cabinet. Une histoire racontée face caméra par ses propres acteurs. Une tragédie oscillant entre Sophocle et Machiavel, du Shakespeare dans le texte. Sans tomber dans le pathos, bien sûr, car William Karel n’a aucune sympathie pour cette femme qui a brutalisé la société anglaise. Il rappelle en images ses faits d’armes : les privatisations, la fermeture des mines, les millions de chômeurs, le système de protection sociale anéanti, le nombre de famille en dessous du seuil de pauvreté passant de 8 à 22 %, l’écrasement des syndicats et des membres de l’Armée républicaine irlandaise… Un tableau qui ressemble à une guerre civile sans armes.

Aujourd’hui, la Dame de fer a 84 ans et elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Le petit peuple anglais porte encore les stigmates de son action. Au Parlement, la statue de Thatcher (elle est le premier chef de gouvernement britannique à avoir eu cet honneur de son vivant) a été décapitée, cinq mois après son installation, par un chômeur de Brighton.

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