Abattre le capitalisme
Le journaliste écologiste Hervé Kempf livre un démontage en règle du système économique.
dans l’hebdo N° 1046 Acheter ce numéro
«Pour sauver la planète, sortez du capitalisme. » Cette affirmation, titre du dernier essai d’Hervé Kempf, ne risque pas d’être évoquée, même sous forme d’interrogation, lors du sommet du G20 à Londres le 2 avril. Pour sauver la planète – c’est l’ordre du jour, l’air de rien –, il sera éventuellement question de réformer le capitalisme. Une attitude aux antipodes du propos de Kempf, d’une franchise brute. Pas de théorie alambiquée, mais des faits reliés pour fouailler les entrailles de la bête blessée : il faut l’abattre, car tout indique qu’aucun remède n’agira.
C’est un récit ramassé, l’assemblage de témoignages qui font corps, fort abordable, que nous livre l’auteur, journaliste au Monde, où il vient d’hériter d’une chronique écologie hebdomadaire – une reconnaissance, de la part d’un quotidien où il fait figure de maquisard. L’un de ses talents, c’est de savoir percer les opacités de l’économie avec le projecteur de l’humanisme. Son inventaire des dérives du capitalisme, articulant libre-échangisme, spirale productiviste et consumériste, glorification de l’individualisme et dissolution du langage (le propre des sociétés) – une profonde crise éthique, finalement –, est un excellent vade-mecum à l’usage de ceux que rebute le fatras d’experts « ès » quelque chose.
L’un des plus intéressants chapitres décortique la fébrilité planétaire autour de l’énergie, et préfigure le déraillement final engagé par les premières médications des docteurs Diafoirus : de vieilles potions pour subclaquants, rebaptisées « croissance verte ». Infantilisant l’humanité, menacée du châtiment d’un « retour à la bougie » , les gouvernements justifient l’aventurisme des technocrates : veut-on, pour prix de l’autisme, le nucléaire en supermarché, le saccage de l’exploitation des sables bitumineux, et même la monoculture intensive des éoliennes dans les campagnes ?
Il faudra longtemps encore dénoncer ces soubresauts, mais il est aujourd’hui vital d’alimenter le public en perspectives : le risque existe de le livrer, désemparé, aux ruses renouvelées des fétichistes du capitalisme. Des alternatives, l’auteur en propose, rapidement. L’idée-clé essentielle : le pivot de la reconstruction, c’est la solidarité. C’est donc d’abord dans la tête que ça se joue.