Bouffer tue

Tout est plus gros aux États-Unis : les voitures, les sociétés, la bouffe et la population. C’est même la nation la plus grasse du monde. Cent millions d’Américains sont en surpoids ou obèses. 60 % des adultes. Pas moins. Depuis 1980, le nombre d’obèses a doublé. Palme au Mississippi, comptant une personne obèse sur quatre. La malbouffe est la deuxième cause de mortalité (après la cigarette). 400 000 personnes succombent chaque année. Comme tout finit par un procès aux États-Unis, en 2002, deux adolescentes ont porté plainte contre McDonald’s, accusé de les avoir « engrossies ».

Argument de poids pour l’une et l’autre : à 19 ans, 120 kg pour 1,67 m ; à 14 ans, 77 kg pour 1,47 m. Toujours côté chiffres, chaque jour, un Américain sur quatre mange au moins une fois dans un fast-food. McDo, c’est 46 millions de repas servis au quotidien à travers le monde. Pour les avocats de la firme américaine, rien ne prouve la responsabilité de son client dans le surpoids des gamines. À quoi le juge a rétorqué par le besoin d’études rigoureuses, donc pratiques, avant de pouvoir se prononcer. Morgan Spurlock, réalisateur, n’avait pas d’autre choix que d’y passer. Suivi médical à l’appui (cardiologue, gastro-entérologue et généraliste). Au départ, un check-up complet et très satisfaisant avant un mois de gavage chez McDo.

Spurlock vit à New York. Ça tombe bien pour son pari. The Big Apple recense 83 enseignes Mc Do. Un environnement toxique avec un accès permanent à la bouffe grasse, dans une société où il est seulement bon de ­harceler les fumeurs. Spurlock s’impose trois repas par jour chez McDo. Eau comprise, entre sodas, hamburgers, royal cheese, nuggets et milk-shake. Avec le menu super size, c’est à ne pas y tenir. 250 grammes de frites, 1 litre de Coca et maxiburger. De quoi être « Mcdérangé, Mcgazé, Mcbarbouillé, Mcsué » au cours d’un journal effrayant face caméra, émaillé d’analyses, d’observations médicales. À la clé du surpoids, c’est l’embarras du choix : hypertension, infarctus, arthrite, maladie de la vésicule, apnée du sommeil, cancer de l’utérus, du sein, de la prostate ou du colon, asthme, diabète, troubles de la vue, troubles sexuels. Dans son cas, le réalisateur prend 11 kg en un mois, souffre d’addiction, de migraines, d’une sexualité en berne. C’est là un film coup-de-poing mais sérieusement jubilatoire. Individuellement, une expérience limite. Pour le citoyen, un devoir de santé publique.