Cale bonheur !
Personne n’attend d’un nouvel album de J.J. Cale qu’il apporte une révolution, et « Roll On » n’en propose aucune.
Il se révèle en revanche un de ses meilleurs.
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J.J. Cale a fêté ses 70 ans à la fin de l’année dernière, et si l’on s’en étonne, c’est que son premier album est sorti assez tard, en 1972. À vrai dire, parmi les images plus ou moins justes qui lui collent à la peau, l’une d’elles le verrait plutôt sans âge. Une autre le montre comme un éternel paresseux jouant ses chansons allongé dans un hamac. Image superficielle qui dénote une écoute un peu distraite de sa musique, dont certains rythmes nonchalants évoquent moins la paresse qu’une réelle sensualité. En témoignent les lignes de basse qui parcourent comme des artères protubérantes et gorgées de sang chaud nombre de ses compositions.
Les mauvaises langues disent aussi qu’il fait toujours le même disque, ce qui prouve surtout qu’elles manquent un peu de palais. Certes, si l’on excepte quelques évolutions comme la voix un peu plus en avant au fur et à mesure d’une confiance acquise dans ce domaine, un jeu de guitare de plus en plus raffiné ou des trouvailles distillées ici ou là comme des épices (chœurs féminins, cordes, boîtes à rythme un moment), le fond de sauce est resté le même au fil des ans, totalement imperméable aux soubresauts de la sphère musicale, comme s’il n’y avait jamais eu ni punk, ni new wave, ni grunge… Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que J.J. Cale est le seul à cuisiner de cette manière. Ça s’appelle avoir un style. Et ce style en a inspiré plus d’un, à commencer, évidemment, par Éric Clapton, le premier à reprendre un de ses titres, lançant du même coup sa carrière. Resté fidèle, Clapton enregistrait un album entier avec lui en 2006, et il joue sur le morceau qui donne son nom à cet album, dont il est donc moins important de savoir quelles trouvailles inédites il contient que de constater, dès les premières écoutes, qu’il se rajoute à la liste des meilleurs disques de son auteur.
Roll On commence en demi-teinte, dans une ambiance jazz de fin de nuit aux subtiles parties de guitare et aux cuivres qui mijotent dans le fond sans jamais déborder, d’où émerge une question existentielle (« Qui savait que la vie serait si compliquée ? » ). Il se poursuit dans une humeur nostalgique avec « Former Me », dominé par le piano, une autre de ces chansons du temps qui passe parsemées dans ce disque, et dont la plus émouvante est le superbe « My Old Friend ».
Plus classique et même typique de J.J. Cale, est cette série de morceaux au rythme plus ou moins rapide, mais toujours soutenu, filant sans à-coup sur une ligne droite qui semble ne jamais devoir finir, conjuguant force et douceur, et procurant un sentiment incroyable de plénitude joyeuse. « Cherry Street », « Oh Mary », qui convoque à la fois Chuck Berry et Jerry Lee Lewis, et « Roll On » sont de celles-là.
Les deux séries auraient suffi à nous convaincre, mais c’est aussi sa diversité qui fait la richesse de ce disque, comme le prouvent d’autres titres francs-tireurs : cette balade country de matin glacé qu’est « Leaving In The Morning », « Strange Days », secoué au banjo, ou l’étonnant « Fonda-Lina » aux guitares virevoltantes. Qu’on ait envie de les citer tous est un autre indice du niveau d’ensemble.