La logique du « choc des civilisations »
Le 60e anniversaire de l’Otan est marqué par le retour de la France dans le commandement unifié. Les missions de l’organisation dérivent de plus en plus vers des opérations de maintien de l’ordre libéral. Strasbourg est le théâtre d’un déploiement sécuritaire sans précédent.
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Beaucoup de choses ont déjà été dites et écrites sur la décision de Nicolas Sarkozy de réintégrer la France dans le commandement unifié de l’Otan. À juste titre, de nombreux commentateurs ont souligné le caractère « atlantiste » de cette décision qui rompt avec l’attitude d’indépendance à l’égard des États-Unis inaugurée en 1966 par le général de Gaulle. Mais ce n’est qu’un aspect du problème. Il découle de cela un enchaînement de conséquences analysées dans ce dossier par Alain Joxe. L’Otan a perdu son ennemi historique, l’Union soviétique. Elle est en quête de nouvelles raisons d’être : la lutte contre le « terrorisme » et le jihadisme islamique. Ses missions ne sont donc plus limitées dans des zones clairement définies comme autrefois.
Il s’agit de guerres qui ne disent jamais leur nom, à mi-chemin entre l’opération de police et l’opération militaire. Ces guerres « mondialisées » sont « asymétriques », menées avec des moyens lourds qui frappent toujours durement les populations civiles. Comme le montre Alain Joxe, le crime de guerre n’est jamais loin. Et l’ambiguïté des objectifs est totale entre « guerre défensive » et « maintien de l’ordre », lutte contre le « terrorisme » et répression sociale. En outre, l’adaptation des moyens militaires à des formes de guérillas suppose d’autres formes de dépendance à l’égard des États-Unis, technologiques et industrielles. Et puis, plus largement, il y a la symbolique de ce geste. Quel sens peut avoir le retour de la France dans le commandement unifié pour les pays du Sud et pour le monde arabo-musulman, sinon une déclaration d’hostilité, et une marque d’appartenance à cette « occidentalité » problématique que décrit si bien Georges Corm dans l’ouvrage que nous évoquons en page 21. À tout point de vue, la décision de Nicolas Sarkozy risque d’apparaître comme un geste hostile, inscrit, hélas, dans la logique du « choc des civilisations ».
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