La police nous sert ses vieux poulets

Élaborée par Nicolas Sarkozy quand il était ministre de l’Intérieur, l’utilisation des policiers réservistes se met en marche. Pour faire des économies. Et préparer une politique encore plus répressive ?

Marion Dumand  • 30 avril 2009 abonné·es
La police nous sert ses vieux poulets

L’information circule sur des sites militants : tous les réservistes de la police nationale auraient reçu l’ordre de réintégrer leurs postes avant le 20 juin. Pour preuve, un mail signé de la Mission nationale pour la réserve civile (Minatrec) mentionnant « un plan de rappel » et des affectations de « manière opérationnelle » . Or, cette réserve, dite statutaire et assurément obligatoire, ne peut « faire l’objet d’un rappel au service qu’en cas de menaces ou de troubles graves à l’ordre public » , selon la Loi pour la sécurité intérieure. Guère rassurant, mais pas tout à fait exact. Car si cette information a débusqué un lièvre – à savoir la création d’une telle réserve et plus généralement l’utilisation de policiers retraités –, l’animal n’est pas encore armé jusqu’aux dents.

« Il ne s’agit en aucun cas d’un plan de rappel mais d’une étape dans la mise en place de la loi du 18 mars 2003, d’un recensement effectué par les services de police territoriaux » , assure-t-on à la Direction générale de la police nationale (DGPN). Quid alors des « premières affectations opérationnelles en cours… » que signale un document officiel et interne de la Minatrec, intitulé « La mise en ordre de marche de la réserve statutaire » et publié le 31 mars dernier ? « Depuis 2005, chaque nouveau retraité reçoit une affectation de réserve statutaire , explique François Dalbignat, trésorier de l’union fédérale des retraités CGT de la police nationale. Cette année, des contrôles sont effectués afin de vérifier, voire de réaffecter chacun au plus près de son domicile. » Par ailleurs, un réel rappel à titre individuel ou collectif ne peut être fait, précise le décret du 31 décembre 2003, que « par arrêté du ministre chargé de la Sécurité intérieure » . Et de tel arrêté, il n’y a point.

Cette histoire de réserves n’en est pas pour autant innocente. Premier indice : les réserves statutaires (obligatoires), contractuelles (volontaires) et bénévoles ont été élaborées par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Elles répondent parfaitement à ses deux « dadas ». D’un côté, rogner sur les budgets des services publics ; de l’autre, préparer la répression plutôt que la prévention. Décidée en 2003, la réserve contractuelle, qui permet d’embaucher ponctuellement des réservistes, a été mise en place l’année suivante. Dans une note de service de 2008, la DGPN indique qu’il faut « accompagner la montée en puissance de ce dispositif » . Elle rappelle notamment que la durée maximale et annuelle d’emploi est passée de 90 jours à 150 pour le national. Et que « l’utilisation accrue de réservistes volontaires fait partie intégrante d’une gestion moderne et efficiente de la ressource humaine » … Traduction, proposée par l’Unsa Police : « On fait des économies en termes d’emplois. » Des économies qui coûtent cher. Le budget global est passé de 9 à 10 millions entre 2008 et 2009. Il pourrait encore augmenter. Ne serait-ce que pour financer les « délégués de cohésion police-population », issus du plan « Espoir banlieue » et d’abord expérimentés en Seine-Saint-Denis, qui vont être recrutés parmi les réservistes.

« Que les retraités soient à la retraite, avec une bonne pension, et que des jeunes soient embauchés » , réclame Michel Gastaldi, secrétaire général de la CGT Police. Un tel bon sens n’est pas goûté par tous. Après la réserve contractuelle, c’est maintenant au tour de la statutaire de devenir potentiellement utilisable d’ici à juin. « Pour avoir un outil efficace, si jamais… » , explique la DGPN. Si jamais quoi ? C’est bien là où le bât blesse. « Entre la situation de crise, la politique de non-recrutement, les effectifs qu’on laissent filer, commente un syndicaliste, bref, entre ce qui reste de la police et ce qu’on attend comme troubles, on voit bien où se situe le problème. » Pendant que les jeunes des commissariats feraient la police dans la rue, les réservistes pourraient prendre le relais, eux qui ne peuvent assurer ni mission de ­l’ordre ni contrôle d’identité.

Société
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