L’équitable mise sur le vert
La Quinzaine du commerce équitable communique cette année sur le thème de l’environnement plutôt que sur la contestation du système économique mondial. Pour « fidéliser » le consommateur.
dans l’hebdo N° 1049 Acheter ce numéro
«Ce n’est pas en disant que le commerce équitable peut renverser les règles du commerce international qu’on fidélise les clients. La Quinzaine est faite pour répondre aux interrogations des consommateurs. » Ces mots de Georges d’Andlau, président de la Plateforme française pour le commerce équitable (PFCE) ont un mérite : ils confirment, quoi qu’en dise le site officiel de la 9e Quinzaine du commerce équitable (du 9 au 24 mai), que cet événement relève plus de l’opération commerciale que de « la sensibilisation [et de l’expression d’] un message politique fort sur le sens du projet ».
La crise économique mondiale attendra donc. Les consommateurs auront droit à une Quinzaine 2009 placée sous le signe de l’environnement, qui mettra entre parenthèses le militantisme politique de cette cause dénonçant les déséquilibres commerciaux Nord-Sud pour exposer l’utilité écologique de l’équitable en se référant aux fameux panels de consommateurs.
À la décharge des entreprises membres de la PFCE, il faut dire que l’équitable est touché par une crise interne. Malgré « 82 % de taux de notoriété en 2008 » et des ventes qui ont « progressé de 30 % ces trois dernières années » , la concurrence de labels dits durables comme Rainforest Alliance, allié de multinationales, et la montée en puissance des marques de distributeurs étiquetées Max Havelaar annoncent le report des consommateurs vers l’équitable « light ».
L’année 2008 a vu un tassement de la croissance des ventes en France (+ 8 %) en grande surface. Un chiffre relativement flatteur en période de baisse du pouvoir d’achat mais qui masque les véritables gagnants : les marques de distributeurs. Les produits Carrefour Agir, Entr’aide et autres atteignent aujourd’hui 30 % des ventes. Et ce n’est pas fini puisque Lidl France va emboîter le pas de ses consœurs belges, allemandes et britanniques d’ici l’été en mettant en rayon sa marque Fairglobe.
En cherchant à se faire bien voir du consommateur sur le plan environnemental, les membres de la PFCE veulent aussi contrer l’offensive des certifications d’ONG, comme celle de Rainforest Alliance, qui s’appuie sur des critères environnementaux tout en affirmant son respect des droits sociaux. L’ONG américaine attire aujourd’hui les plus grandes multinationales de l’agroalimentaire, comme Unilever (Lipton), Kraft Foods ou encore Mars, qui a annoncé récemment son objectif de commercialiser 100 % de ses barres chocolatées certifiées par le label américain d’ici à 2020. Bien que l’ONG ne se réclame pas du commerce équitable, cela n’a pas empêché le Figaro (du 9 avril) de titrer : « Du chocolat équitable dans les barres Mars en 2020 » , ajoutant ainsi un peu plus de confusion. Surtout, Rainforest Alliance marche sur les plates-bandes de FLO International (Max Havelaar en France) : son directeur, Rob Cameron, répète à qui veut l’entendre que l’objectif de l’ONG est « d’élargir le marché des produits certifiés ».
Consciente d’être un géant (en termes de notoriété) aux pieds d’argile (car c’est bien la grande distribution et les multinationales de l’agroalimentaire qui tirent les ficelles aujourd’hui), la PFCE souffre d’incapacité à dépasser un message bien trop promotionnel pour bousculer les bonnes consciences.