Les états généraux tournent court
Les collectifs de syndicats et d’associations qui ont conduit les grèves générales en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion refusent le rendez-vous de Nicolas Sarkozy.
dans l’hebdo N° 1049 Acheter ce numéro
Calendrier mouvant, défection des principaux acteurs des mouvements de grève… Les états généraux de l’outre-mer promis par Nicolas Sarkozy au plus fort de la crise antillaise démarrent mal. Après avoir proposé mi-février aux élus locaux que la consultation soit étalée « sur trois mois » , le gouvernement a annoncé jeudi dernier un « assouplissement du calendrier ».
La synthèse des états généraux, censés mettre à plat tous les problèmes qui se posent outre-mer (pouvoir d’achat, productions locales, évolutions institutionnelles, dialogue social, etc.), se fera finalement en septembre. Initialement, Sarkozy avait parlé de « mai » , tandis que le cabinet du secrétaire d’État Yves Jégo annonçait cette synthèse pour « juin » . Quant au conseil interministériel de l’outre-mer, qui se réunira sous la présidence de Nicolas Sarkozy pour tirer les conséquences de cette consultation, il est repoussé en octobre.
Le gouvernement peut bien expliquer avoir assoupli le calendrier pour « donner du temps à la concertation réclamée par les ultra-marins », l’argument n’explique pas pourquoi le déplacement aux Antilles du chef de l’État, à l’origine prévu le 20 avril, a été reporté à une date inconnue. « Avant les vacances d’été » , précise (si l’on peut dire) une source gouvernementale. Au cours de sa visite, Nicolas Sarkozy devait « ouvrir » les états généraux. C’est finalement à… Paris qu’ils devaient être lancés « officiellement », le mercredi 22 avril. Et par Yves Jégo et sa ministre de tutelle, Michèle Alliot-Marie.
Ces cafouillages et petits ratés masquent mal l’échec d’une opération conçue pour faire taire le mouvement de protestation. Les trois collectifs de syndicats et d’associations qui ont conduit les grèves générales en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion ne s’y sont pas trompés et ont refusé de cautionner ces états généraux, dénoncés comme « un leurre » par le porte-parole emblématique du LKP guadeloupéen. « Aujourd’hui, il s’agit ni plus ni moins que de chercher une caution populaire à des décisions qui sont déjà prises avant » à Paris, estime Élie Domota, pour qui « il faut véritablement donner la parole aux Guadeloupéens » au lieu de « se contenter de rencontrer des technocrates ».
Cette défiance semble partagée par la population. En Guadeloupe, les premières réunions des ateliers des états généraux n’ont rassemblé, le 14 avril, qu’une trentaine de personnes ! Une misère comparée aux masses considérables de gens qui, au plus fort du mouvement de protestation, s’étaient retrouvés « côte à côte dans des défilés impressionnants, des assemblées nocturnes et des veillées enthousiastes ».
« De cette houle formidable , décrite par Patrick Chamoiseau [^2], émanait une aspiration profonde qui soudain insufflait de l’espoir, du rêve, du désir, et de l’appel à vivre ensemble dans des modalités nouvelles. » Nicolas Sarkozy croyait pouvoir faire passer ce torrent tumultueux dans le canal bien bordé de réunions institutionnelles. C’était présomptueux.
[^2]: Manifeste pour les « produits » de haute nécessité, collectif, éd. Galaade-Institut du tout-monde, 3 euros.