Les routes de Tunisie

Dans « Microfilm 2MI354 », Serge La Barbera réfléchit
avec lucidité sur
ce qui motive son point
de vue d’historien.

Christophe Kantcheff  • 23 avril 2009 abonné·es

Le microfilm du titre n’est pas celui de l’espion mais celui des archives dont l’historien fait son miel. Mais quel est donc le rapport entre l’historien et son archive, et pourquoi cet attrait particulier de l’auteur pour le « microfilm 2MI354 »  ? Arlette Farge a beaucoup écrit sur « le goût de l’archive » , et sur l’émotion que celle-ci provoque. Explorant les mêmes territoires, là où la frontière entre histoire et littérature n’est pas marquée par d’hostiles barbelés, Serge La Barbera cite, bien sûr, l’historienne réputée. Mais, dans Microfilm 2MI354 , il s’intéresse à une question plus intime encore : pour quelles raisons a-t-il engagé les recherches qui sont les siennes ? Des recherches qui ont commencé avec sa thèse sur l’opinion des Français de Tunisie autour de la Seconde Guerre mondiale, pour s’orienter plus spécifiquement sur les routes et ce qu’elles ont symbolisé dans ce pays au temps de la colonisation.

Ce questionnement suit un long détour, où Serge La Barbera raconte les coulisses de sa vie d’historien – les colloques, les articles à écrire… – et qui s’avèrent aussi passionnantes que l’interrogation initiale. D’abord parce qu’y est décrit un certain état des mœurs de la recherche internationale. Notamment les chercheurs qui cumulent les colloques, pressés par le temps à cause de la concurrence et des questions financières (les Américains), ou qui se retranchent derrière les ­chiffres à la moindre controverse (les Français). Ainsi qu’une conception globalement « révisionniste » , appelant à la fin de la « repentance » , et où la colonisation prend les atours « d’une sorte d’humanisme fonctionnel ».

Ces rencontres entre « collègues » ont amené Serge La Barbera à travailler davantage sur ce qui déjà l’interpellait : les accidents de la route à cette période, dont le « microfilm 2MI354 », précisément, offre plusieurs descriptifs. À partir de ces accidents où, dans la plupart des cas, l’accidenté est un colonisé et le conducteur un colon, Serge La Barbera a montré en quoi la route coloniale était un espace aussi stratégique que symbolique. Mais pourquoi s’est-il senti d’emblée si concerné par ces descriptions d’accidents ? Où l’on revient à la question du début, qui ne trouve pas sa seule résolution dans le fait que les parents de Serge La Barbera ont longtemps vécu dans la Tunisie colonisée avant de venir s’installer en France. On laissera le lecteur découvrir ce qu’il en est au terme de ce livre sensible et éclairant sur ce qui peut forger le regard d’un historien.

Culture
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