Pas de vacances pour les mobilisations
Alors que les congés scolaires de printemps ont démarré, Valérie Pécresse mise sur un essoufflement du mouvement. Mais les enseignants-chercheurs restent combatifs et déterminés.
dans l’hebdo N° 1047 Acheter ce numéro
Statu quo. Ou quasi. Valérie Pécresse a bougé une oreille dans son immobilisme. Elle vient de débloquer une enveloppe de 4,5 millions d’euros pour le financement des nouvelles « chaires d’excellence ». Pour les organismes de recherche, tels que le CNRS ou l’Inserm, qui craignent un démantèlement, cela signifie la réouverture de 130 postes aux concours de recrutement, sachant que les organismes, dans le budget 2009, avaient précisément mis en suspens ces recrutements pour pouvoir assurer en contrepartie le financement de ces fameuses chaires. Des chaires dites mixtes, gérées à parité par les universités et les organismes, destinées aux jeunes maîtres de conférences et chargés de recherches les plus brillants. Des chaires dotées d’une prime annuelle étirée de 6 000 à 15 000 euros et bénéficiant sur cinq ans d’un emploi du temps sur mesure : un tiers d’enseignement seulement pour mener des travaux dans les meilleures conditions.
Si ce petit pas de Valérie Pécresse est en soi une bonne nouvelle, ces chaires d’excellence, qui sont autant de primes individuelles, n’en restent pas moins source « d’inégalités au sein des laboratoires, et source de concurrence délétère entre les chercheurs » , juge Isabelle This-Saint-Jean, du collectif Sauvons la recherche. À vrai dire, les enseignants préfèrent un ministère qui attribue des postes supplémentaires plutôt qu’il ne favorise ce type de postes à durée déterminée, quand précisément la recherche s’inscrit dans le temps. « Ils sont censés retenir les chercheurs qui partent à l’étranger, poursuit Isabelle This-Saint-Jean. En réalité, les laboratoires manquent de moyens, et c’est une politique ambitieuse d’emplois scientifiques et une revalorisation des rémunérations de l’ensemble des personnels dont la recherche a besoin. » On est donc loin du compte et du discours de Valérie Pécresse, qui prétend que l’université et la recherche possèdent les moyens de leurs ambitions.
Surtout, cette enveloppe ne répond en rien aux revendications des enseignants-chercheurs : le maintien du millier de postes supprimés à la rentrée 2009, y compris pour les personnels divers, un plan pluriannuel de création d’emplois statutaires pour toutes les catégories de personnel, le retrait du projet de décret sur les enseignants-chercheurs et celui sur le contrat doctoral, le retrait du projet de réforme actuelle de formation des enseignants et des concours de recrutement.
Et contre les réformes de Xavier Darcos et de Valérie Pécresse, de la maternelle à l’université, soutenus par les parents d’élèves et d’étudiants, ils étaient encore près de 30 000 ce jeudi 2 avril à manifester à travers la France. C’est une mobilisation aussi rare que tenace qui entame sa neuvième semaine, et forte d’une manifestation hebdomadaire. Pour autant, et à l’évidence, le gouvernement mise sur le discrédit du mouvement, en dénonçant une récupération politique, alors même que le Modem et certains députés UMP comme Daniel Fasquelle se sont montrés contre ces projets de réforme. Le gouvernement mise également sur l’essoufflement, le pourrissement du conflit, et compte sur les vacances de printemps (entre le 4 avril et le 4 mai, selon les zones) pour voir s’éteindre les revendications, avec la perspective des examens de juin. C’est oublier que le mois de mai se prête joliment aux manifs.
En attendant, enseignants et chercheurs restent déterminés. La Coordination nationale des universités (CNU) s’est dite mobilisée jusqu’aux vacances de Pâques incluses, et le Snesup (syndicat majoritaire) a appelé à prolonger toutes les formes d’action : grève administrative maintenue, démission des responsabilités administratives, initiative du type de la « ronde des obstinés » et manifestations. Autant d’actions qui n’ont pas d’autre but que la qualité du service public, la réussite des étudiants et l’enrichissement des formations.