Quand l’histoire bégaye
De l’exil des Espagnols en 1939 aux réfugiés de Calais ou d’ailleurs, un même traitement : le double effacement de l’exilé par le mépris et par l’oubli.
dans l’hebdo N° 1048 Acheter ce numéro
Rebondissant sur le soixante-dixième anniversaire de la tragédie espagnole (fin de la guerre et début de la dictature), ce 1er avril dernier, les Archives nationales et la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) ont tenu un séminaire sur le thème des « traces de l’exil : archives et création artistique ». C’était l’occasion d’observer le double effacement de l’exilé : de son pays d’origine et de sa terre d’accueil. Et de quoi mesurer combien le chapitre de l’exil a disparu de l’histoire de l’Espagne, ou plutôt n’y est jamais entré, de réécritures en purges. Ce n’est qu’aujourd’hui, plus de trente ans après le retour de la démocratie, que l’Espagne cherche à soigner son amnésie. De leur côté, et dans le volet hexagonal, les exilés ont évacué cette période de leur existence. Pour mieux s’adapter ou s’intégrer, peut-être. Face à ce double effacement, ou ce double silence, l’histoire fouille dans les archives, et la mémoire choisit des supports artistiques pour s’exprimer.
Mais dans les rayons de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, il y a peu de matériaux. Quelques objets, des supports du souvenir ; quelques œuvres pour « évoquer ».
Probablement parce que la France, sur ce volet espagnol, a oublié les camps de concentration installés en 1939 dans le Sud pour y parquer ceux qui avaient défendu un autre Front. La vie n’a pas été celle escomptée par ces réfugiés, ces exilés. Laissés-pour-compte. Passés au coup de balai. Aujourd’hui, ces autres réfugiés qui s’entassent à Calais ou ailleurs ne sont pas mieux traités. Réfugiés économiques ou politiques, en quête d’avenir plus sûr. Mais reçus avec la méfiance d’antan. Mépris. Rejet. Mêmes humiliations et même traque. Les procédés ont à peine changé. Mêmes attaques contre ceux qui osent aider ces malvenus, pour « délit de solidarité ».