Sommet de l’Otan : Manifestation indésirable
À Strasbourg, le droit de manifester a été bafoué. La police et les casseurs ont éclipsé les raisons qui ont poussé des milliers de pacifistes à braver l’état de siège pour dire « non à l’Otan ».
dans l’hebdo N° 1047 Acheter ce numéro
Les images peuvent être trompeuses. Elles n’en façonnent pas moins les esprits. Gageons donc que le citoyen ordinaire n’aura retenu d’un long week-end de protestation contre l’Otan que les dégradations et violences. Les dégâts matériels sont certes impressionnants et de nature à frapper les esprits – pourquoi incendier l’unique pharmacie d’un quartier populaire ? Mais ils ne résument pas l’ensemble des manifestations organisées durant cinq jours par une coordination internationale rassemblant plusieurs centaines d’organisations d’une quarantaine de pays.
Les militants de ces dernières ont notamment exposé et débattu des raisons qui les conduisent à réclamer la dissolution de l’Otan, lors d’une conférence internationale qui, à son ouverture vendredi, rassemblait déjà 500 personnes, malgré une interruption des transports en commun et des perturbations de circulation qui ont empêché des intervenants et de nombreux participants de rejoindre le lieu de la conférence. Ils ont aussi mené des actions non-violentes. Tôt samedi matin, plusieurs centaines de militants ont ainsi tenté pacifiquement de bloquer les accès au sommet officiel, s’attirant en retour des jets de grenades lacrymogènes et des tirs de Flash-Ball.
Assemblée plénière du congrès international Non à l’Otan-Non à la guerre au centre sportif d’Illkirch-Graffenstaden.
M. Soudais
Cette disproportion dans la répression était voulue. Contrôles d’identité renforcés et incessants, barrages multiples, ronde permanente d’hélicoptères français et allemand au-dessus de leur rassemblement, parfois à très basse altitude, etc. Le dispositif de sécurité mis en place pour protéger ce 60e anniversaire de l’Otan visait aussi à dissuader les contestataires de manifester.
La manifestation internationale de samedi n’avait été autorisée qu’à la condition d’emprunter les rues d’une zone industrielle éloignée de tout. Elle n’a pu se dérouler comme prévu, les autorités refusant finalement d’ouvrir la frontière aux 10 000 manifestants allemands venus de Kehl, malgré l’intervention de parlementaires de Die Linke. Côté français, les nombreux barrages de police ont retardé l’arrivée des manifestants, contraints à de grands détours pour se rendre sur le lieu de départ, ou les ont forcés à renoncer.
Rien n’aura été épargné aux protestataires. Pas même les casseurs. Les Black Blocks, ces petits groupes d’activistes violents vêtus de noir, ont achevé de décrédibiliser une manifestation que ni le gouvernement ni l’Otan ne voulaient. Très mobiles, ils étaient parmi les premiers arrivés sur l’île qui accueillait la manifestation, quand la grande majorité des militants pacifiques étaient encore bloqués par les forces de l’ordre aux ponts qui en permettaient l’accès.
Nicolas Sarkozy, qui tient l’Otan pour une « organisation au service de la paix », ne pouvait rêver meilleurs alliés pour inverser l’image de la violence.