Ambiguïtés de la guerre au terrorisme
dans l’hebdo N° 1054 Acheter ce numéro
Il s’en est passé des événements depuis la première parution, en 2005, de l’essai de Pascal Boniface Vers la 4e guerre mondiale ? Assez pour faire de cette nouvelle édition un objet entièrement neuf. Dans le brasier du Moyen-Orient, que l’auteur analyse depuis des années comme « central » pour la planète entière, la victoire électorale du Hamas, en janvier 2006, puis la prise de contrôle de Gaza par le même mouvement islamiste, puis la guerre du Liban, en juillet et août 2007, et enfin l’offensive israélienne sur Gaza de décembre et janvier derniers ont profondément transformé la donne politique. Il y faut ajouter la victoire de la droite extrême en Israël, en février 2009, et l’arrivée trois semaines plus tôt de Barack Obama à la Maison Blanche. Si la donne politique, certes, est transformée, à aucun moment cependant l’analyse des tendances lourdes de notre époque, qui ont fait la substance de la première édition, n’a été démentie. Le spectre de la 4e guerre mondiale est moins que jamais écarté. Après les deux premières guerres, la guerre froide entre les deux blocs Est-Ouest, la généralisation d’une guerre dite « contre le terrorisme » continue de se profiler. Il ne s’agit évidemment pas pour Pascal Boniface de reprendre une dénomination estampillée « néoconservateurs » américains car, pour lui, le « terrorisme » n’est pas une idéologie. Il n’est surtout pas cette idéologie qu’un Occident judéo-chrétien aurait pour mission d’endiguer. C’est au-delà du mot, du « choc des civilisations » dont il est question. C’est-à-dire de la prophétie autoréalisatrice du politologue américain Samuel Huntington.
Boniface montre comment la récupération idéologique de la lutte contre le terrorisme a fini par convaincre les opinions publiques que l’on était entrés dans l’ère de vastes affrontements interculturels et interreligieux. Le directeur de l’Iris s’efforce de réfuter les fondements idéologiques de ce discours, sans pour autant conclure que cet affrontement n’aura pas lieu, ni même qu’il ne se manifeste pas déjà. Pour que cette guerre mondiale soit évitée, il faudrait, selon lui, que les Etats-Unis dissocient leur sort de celui d’Israël et reprennent conscience de leurs intérêts vitaux. Autrement dit, de la nécessité d’éviter un affrontement idéologique global avec le monde arabo-musulman. L’auteur souligne les incidences profondes des guerres américaines et israéliennes. Il cite à l’appui de sa thèse l’exemple de l’augmentation du port du voile dans des universités tunisiennes au lendemain du déclenchement de la guerre d’Irak, en mars 2005, et les aveux du prince saoudien Abdallah prévenant un possible renversement d’alliance de son pays dans l’hypothèse où Washington poursuivrait sa politique anti-arabe. Sans doute Barack Obama a-t-il compris tout cela. Mais il n’est pas seul maître du jeu ; il doit compter avec Israël. Et ce n’est pas gagné.