Démocratiser l’Europe
dans l’hebdo N° 1053 Acheter ce numéro
Dans l’Union européenne aujourd’hui, promotion du dogme libéral et fonctionnement élitaire sont étroitement liés. L’entre-soi que ménage la quasi-monopolisation du pouvoir aux mains de la Commission et du Conseil permet un fonctionnement au consensus où chefs d’État, commissaires et lobbyistes professionnels dialoguent sur la forme sans jamais remettre en cause le fond.
La démocratisation du fonctionnement de l’Europe politique devient alors une nécessité parce qu’elle est la condition d’une transformation radicale du projet européen. Pour imposer cette autre Europe dont la silhouette s’affirme, il faut changer la méthode. Deux mots d’ordre peuvent être imaginés.
Politiser l’Europe. C’est-à-dire l’imposer comme un lieu de lutte politique pour en finir avec l’image d’une Europe humaniste et pacifiste où seuls s’affronteraient des intérêts nationaux. Politiser l’Europe, c’est l’établir comme un lieu de conflictualité idéologique et donc donner une voix à l’alternative politique au niveau européen. Cette politisation passe d’abord par les citoyens et résidents d’Europe, qui, dans leur grande majorité, sont indifférents et méconnaissent l’action politique de l’UE, parce que l’opinion n’est pas une donnée immédiate. Elle se construit par la discussion et l’information. Le référendum de 2005 en France l’a montré, en permettant une politisation citoyenne sur l’UE, condition de participation et de mobilisation.
Soutenir cette politisation passe nécessairement par le développement d’un espace public européen et par des politiques volontaristes des acteurs politiques et sociaux. Les élections européennes pourraient y participer : unifier scrutins, circonscriptions et listes, même, permettrait d’européaniser les campagnes, les couvertures médiatiques et les enjeux de l’élection. Cela contribuerait à porter l’opposition idéologique au niveau européen.
Miser sur la citoyenneté. La modification nécessaire des institutions, qui doit conférer le pouvoir aux instances élues, est à assortir de la participation directe des citoyens. La possibilité pour la population (à partir d’un seuil de signatures) de proposer des projets de lois devant mener à un vote législatif, l’organisation de référendums d’initiative populaire, où les citoyens peuvent demander à se prononcer sur un projet de loi, constituent des ressources qui n’ont rien d’utopique.
Systématisé au niveau européen, ce type de dispositifs ouvrirait des opportunités de participation et d’influence pour les acteurs du mouvement social européen. Celui-ci poursuit sa construction, et c’est bien par son concours au processus de décision que l’Europe pourra se démocratiser. Il faut pour cela lui procurer des débouchés politiques : que cela passe par un lien à des forces politiques européennes, par le renforcement de campagnes d’opposition et de propositions au niveau européen, ou encore par la construction d’un processus constituant.
C’est le renforcement de ce mouvement social européen qui pourra imposer de repenser radicalement le fonctionnement politique de l’Europe, pour y inclure les citoyens et leur permettre de choisir leur projet politique… principe de la démocratie.