Entre essoufflement et endurance
Deux nouveaux rendez-vous sont prévus en mai et en juin, à l’appel des huit syndicats. Pendant ce temps, le gouvernement joue la carte de l’usure.
dans l’hebdo N° 1051 Acheter ce numéro
Les rassemblements du 1er mai, pas plus que les manifestations nationales interprofessionnelles du 29 janvier et du 19 mars, n’ont pour l’instant fait bouger le gouvernement. On a même pu entendre dans les cortèges un brin d’ironie – « 29 janvier, 19 mars, 1er mai… Prochain rendez-vous le 15 août ? » –, exprimant la lassitude et l’inefficacité des manifs à répétition. Qu’adviendra-t-il des 26 mai et 13 juin, dates fixées par les huit organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Solidaires et Unsa) réunies autour d’une plate-forme commune de revendications ?
À l’évidence, le plus long mouvement social unitaire organisé par les syndicats n’espère pas gagner dans l’immédiat son bras de fer avec des ministres figés dans leur dogme libéral. Le constat est donc que la troisième manifestation nationale en quatre mois « témoigne d’un enracinement de la mobilisation et de la détermination des salariés, demandeurs d’emploi et retraités » , estime l’intersyndicale, qui affiche son unité d’action, sans mentionner les mouvements dans l’enseignement, les prisons et dans les hôpitaux.
Les syndicats les plus actifs pour durcir le mouvement le concèdent : l’unité syndicale « est un souci constant », admet l’Union syndicale Solidaires (qui rassemble les syndicats SUD), qui, avec la FSU, n’a pas caché sa préférence pour un appel national à la grève. Elle « juge positivement cette démarche, et regrette les quelques réflexes sectaires rencontrés dans certains départements ».
Faute de succès à présenter aux salariés, les syndicats jouent la carte de la durée et soufflent le chaud et le froid avec le gouvernement. Au lendemain du 1er mai, certes moins mobilisateur que le 19 mars mais fortement soutenu par les partis de gauche, le conseiller social de l’Élysée, Raymond Soubie, n’a pas hésité à parler « d’usure des journées nationales d’action à répétition » , et a saisi l’occasion pour réaffirmer que le gouvernement n’entendait pas changer sa politique. Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, a précipitamment conclu à un « essoufflement » du mouvement.
« Le gouvernement et le patronat auraient tort de traiter [les mobilisations] par le déni et le mépris, alors que la crise, le chômage, les licenciements, les suppressions d’emploi et les politiques de fragilisation des services publics les percutent de plein fouet » , a rétorqué l’intersyndicale, qui a décidé de maintenir un rapport de force avec, dans un premier temps, une « journée de mobilisations décentralisées » le mardi 26 mai. Elle pourra prendre la forme « de manifestations, d’arrêts de travail, d’assemblées générales, de pétitions… » , a expliqué Maryse Dumas (CGT). Cette journée interviendra surtout en pleine campagne des européennes, qui rythmera le mois de mai, et avant le scrutin du 7 juin.
Avec la journée nationale de manifestations annoncée pour le samedi 13 juin, les syndicats veulent « faire une journée d’ampleur, marquer un grand coup avant l’été, obtenir de vrais résultats » , a lancé Marcel Grignard pour la CFDT. L’enjeu est aussi de rendre plus claires les revendications syndicales alors que le ministre du Travail, Brice Hortefeux, a indiqué qu’il fera « à l’été, avec les partenaires sociaux, l’évaluation des mesures prises » lors du sommet social du 18 février. « Il serait nécessaire de préciser des axes revendicatifs à rappeler au gouvernement et au patronat » , explique-t-on chez les Solidaires, qui soulignent que cette question avait été évoquée dans les réunions intersyndicales.
« Sur la base de la déclaration commune du 5 janvier » , les huit se sont mis d’accord pour préciser dans les prochains jours « des propositions sur lesquelles elles attendent des réponses rapides du gouvernement et du patronat ». En attendant, elles ont annoncé leur soutien aux euromanifestations prévues du 14 au 16 mai à Madrid, Bruxelles, Prague et Berlin.