Les « Canal Toys » ont gagné !

L’édifiante histoire de douze Maliens d’une entreprise du Blanc-Mesnil, victimes d’une situation de double précarité.

Alain Lormon  • 28 mai 2009 abonné·es

L’affaire illustre, hélas, le climat social actuel. Les acteurs en sont douze travailleurs maliens sans papiers, le gouvernement – et son représentant, le préfet –, et la direction d’une entreprise de 66 salariés, Canal Toys, installée au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis). Une entreprise qui conditionne et commercialise des jouets, pour la plupart en provenance de Chine.
D’un côté, une direction cynique qui reconduit des contrats à durée déterminée et licencie hors de toute légalité ; de l’autre, une politique ultrarestrictive de régularisation. Entre les deux, des hommes tenus dans une double précarité par leur employeur, qui leur refuse une embauche en bonne et due forme, et par le gouvernement, qui rejette leurs demandes de régularisation. Pour la direction, ces sans-papiers sont une aubaine parce qu’ils sont fragilisés par leur absence de statut, et prêts, en principe, à accepter toutes les conditions qui leur sont imposées. Normalement, ils ne devraient guère faire de bruit en cas de licenciements. Histoire, hélas, connue. Mais l’affaire, cette fois, a tourné autrement. Elle commence en décembre dernier lorsque ces travailleurs maliens apprennent qu’ils ne seront pas repris. Un plan social qui spécule sur la peur de salariés en situation irrégulière.

Mais, pour une fois, ces travailleurs sans droits ni statuts, dont certains sont en France depuis quatorze ans, et tous au moins depuis plus de cinq ans, ne vont pas s’en laisser conter. La résistance tarde à s’organiser, mais elle prend forme vraiment en avril lorsque les salariés éconduits décident, soutenus par la CGT et Solidaires, d’occuper la rue, devant l’entreprise. Les manifestations de solidarité se multiplient. Militants et responsables d’Alternative libertaire, du Mrap, du NPA, du PC, des Verts, et de nombreux citoyens du voisinage ou de plus loin, sont venus devant Canal Toys.
L’occupation sera finalement victorieuse. Les douze manutentionnaires maliens viennent de reprendre le travail. Ils ont obtenu des contrats à durée indéterminée pour accomplir des tâches de toute façon indispensables à l’entreprise : le déplacement d’énormes palettes de jouets. Mais ils restent aujourd’hui encore sous la menace des services gouvernementaux.

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

La journaliste Ariane Lavrilleux échappe à une mise en examen
Presse 16 janvier 2025

La journaliste Ariane Lavrilleux échappe à une mise en examen

Ce 17 janvier, l’investigatrice, convoquée au tribunal de Paris, a finalement évité des poursuites pour avoir révélé des secrets de la défense nationale. 110 organisations appellent à un renforcement du secret des sources pour la presse.
Par Maxime Sirvins
RSA sous conditions : une généralisation et des craintes
Enquête 15 janvier 2025 abonné·es

RSA sous conditions : une généralisation et des craintes

Depuis le 1er janvier, l’obtention du Revenu de solidarité active est liée à la réalisation de 15 heures d’activité hebdomadaires. Une réforme jugée absurde, aux contours encore flous, sans moyens, qui inquiète largement syndicats et associations.
Par Pierre Jequier-Zalc
« Aucune piste crédible de changement de système de retraite n’existe à court terme »
Entretien 13 janvier 2025 abonné·es

« Aucune piste crédible de changement de système de retraite n’existe à court terme »

Alors que la question des retraites est de nouveau au cœur des débats politiques, l’économiste Henri Sterdyniak s’interroge sur le sens, pour le Parti socialiste, de soutenir le gouvernement s’il obtenait simplement un gel temporaire du recul de l’âge légal de départ à 64 ans.
Par Pierre Jequier-Zalc
Incendies en Californie : les stars d’abord
Sur le gril 13 janvier 2025

Incendies en Californie : les stars d’abord

Certains médias ont préféré s’émouvoir du sort des villas des vedettes plutôt que parler des personnes plus vulnérables ou d’écologie. Première chronique en partenariat avec le site Arrêt sur images.
Par Pauline Bock