Les « Canal Toys » ont gagné !
L’édifiante histoire de douze Maliens d’une entreprise du Blanc-Mesnil, victimes d’une situation de double précarité.
dans l’hebdo N° 1054 Acheter ce numéro
L’affaire illustre, hélas, le climat social actuel. Les acteurs en sont douze travailleurs maliens sans papiers, le gouvernement – et son représentant, le préfet –, et la direction d’une entreprise de 66 salariés, Canal Toys, installée au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis). Une entreprise qui conditionne et commercialise des jouets, pour la plupart en provenance de Chine.
D’un côté, une direction cynique qui reconduit des contrats à durée déterminée et licencie hors de toute légalité ; de l’autre, une politique ultrarestrictive de régularisation. Entre les deux, des hommes tenus dans une double précarité par leur employeur, qui leur refuse une embauche en bonne et due forme, et par le gouvernement, qui rejette leurs demandes de régularisation. Pour la direction, ces sans-papiers sont une aubaine parce qu’ils sont fragilisés par leur absence de statut, et prêts, en principe, à accepter toutes les conditions qui leur sont imposées. Normalement, ils ne devraient guère faire de bruit en cas de licenciements. Histoire, hélas, connue. Mais l’affaire, cette fois, a tourné autrement. Elle commence en décembre dernier lorsque ces travailleurs maliens apprennent qu’ils ne seront pas repris. Un plan social qui spécule sur la peur de salariés en situation irrégulière.
Mais, pour une fois, ces travailleurs sans droits ni statuts, dont certains sont en France depuis quatorze ans, et tous au moins depuis plus de cinq ans, ne vont pas s’en laisser conter. La résistance tarde à s’organiser, mais elle prend forme vraiment en avril lorsque les salariés éconduits décident, soutenus par la CGT et Solidaires, d’occuper la rue, devant l’entreprise. Les manifestations de solidarité se multiplient. Militants et responsables d’Alternative libertaire, du Mrap, du NPA, du PC, des Verts, et de nombreux citoyens du voisinage ou de plus loin, sont venus devant Canal Toys.
L’occupation sera finalement victorieuse. Les douze manutentionnaires maliens viennent de reprendre le travail. Ils ont obtenu des contrats à durée indéterminée pour accomplir des tâches de toute façon indispensables à l’entreprise : le déplacement d’énormes palettes de jouets. Mais ils restent aujourd’hui encore sous la menace des services gouvernementaux.