Vague de chaleur

Le nouveau Dylan :
rock et blues au son puissant et poisseux.
Des chansons débordant d’urgence et de vie.

Jacques Vincent  • 14 mai 2009 abonné·es

Dylan est partout. Sur la route en permanence. À la radio, où il anime une émission diffusée via le réseau satellite XM. Dans les galeries d’art : récemment à Chemitz (Allemagne de l’Est), bientôt à Londres. Il vient aussi de recevoir une mention spéciale du Pulitzer. Et puis on apprenait en début d’année la sortie à venir d’un nouvel album dont le point de départ fut une demande d’Olivier Dahan, réalisateur de la Môme , d’une chanson pour son prochain film. Une fois celle-ci écrite, neuf autres ont suivi, un album entier, intitulé Together Through Life , qui sonne comme s’il était enregistré à l’instant, devant soi, en une prise.

En introduction, « Beyond Here Lies Nothin’ » est lancé comme « Like A Rolling Stone » : un coup sur la caisse claire pour ouvrir les vannes et déverser tout le contenu. C’est un son sourd et épais, une mixture moite et gluante qui sent les terres du Sud. On croirait même que c’est la soif qui rend la voix si éraillée, pourtant d’une présence formi­dable, portée et poussée par les guitares et une rythmique en bois brut. Car si on a beaucoup parlé de la présence de l’accordéon, ce disque est aussi un disque de guitares, avec au premier plan celle de l’impeccable Mike Campbell, le guitariste de Tom Petty. Après cette entrée en matière, « Life Is Hard » a de quoi surprendre, d’autant que c’est la fameuse chanson écrite pour le film. Le paradoxe est que cette balade de comédie musicale, chantée d’une voix de crooner, ne trouve guère sa place dans ce disque, qui reprend réellement avec « My Wife’s Hometown », écrit avec Willie Dixon, un des piliers du label Chess, celui de Muddy Waters, ­Little Walter et Bo Diddley, pour lesquels il a écrit nombre de chansons. Sa présence est emblématique de l’esprit qui souffle ici.

À partir de là, il n’y aura plus de changement de cap ni de son, seulement quelques nuances. « Forgetful Heart » est encore plus brûlant que le reste avec sa guitare saturée et un orgue comme une brume de chaleur, « This Dream Of You », avec sa partie de violon, renvoie à « Desire », et « I Feel A Change Comin’ On » est une grande ballade dylanienne chantée d’une voix miraculeusement redevenue presque claire. Quant au final, on y croit à peine tellement il est conduit pied au plancher, guitare et accordéon triturant la même phrase, menant la danse en écho, et Dylan qui s’emporte sur le refrain : « It’s s all good/all good… » C’est peu de le dire, on n’en attendait même pas tant.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes