Ça change…
Sur le thème de la métamorphose, un remarquable parcours autour de l’art contemporain.
dans l’hebdo N° 1055 Acheter ce numéro
Forcément, le sujet pousse du côté d’Ovide, s’étire jusqu’à Kafka, des trublions mythologiques à la vermine. La transformation a tôt inspiré les auteurs, marqués à la culotte par les artistes, émoustillés par les changements de forme, de structure, de nature. Parce qu’elle est probablement l’essence de l’art. À l’aube du premier millénaire, Ovide avait posé définitivement les rails sur le sujet, en deux cent cinquante légendes versifiées dans un maniérisme baroque. Une épopée alexandrine peuplée d’individus virés en plantes, en animaux, en minéraux, glissant le récit dans le récit, où les petits riens se muent en Babylone miniature.
Le musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône propose justement une exposition sur le thème de la métamorphose, formelle, corporelle et paysagère. Ici, Léda, de Jackie Kayser, est un premier rebond sur le poète latin, en acrylique, cire, mousse, tissu, en épingles et vernis sur toile, rappelant la figure de Zeus séduisant Léda sous l’aspect d’un cygne. D’une autre manière, Agnès Pétri réactualise les mythes universels de la mort et de la guerre, à travers une série de boucliers en résine, pêle-mêle tourbillonnant où se foutent sur la gueule hommes et bêtes, une interrogation âpre sur l’animalité provoquée par la guerre.
Si l’être humain et l’animal, dans leurs facultés d’adaptation et d’évolution physique et sociale, intriguent, Orlan et Nicolas Darrot produisent des êtres hybrides. La première artiste modifie son propre corps au moyen de la chirurgie esthétique, entre mutilation et déformation à coups de silicone. Le second puise dans la cosmogonie médiévale pour réaliser des êtres mi-drones, mi-insectes, de fines sculptures extravagantes composées d’éléments végétaux et de ferraille, fruits des accouplements sauvages de l’animal et de la machine. En transe de courbes, Robert Combas livre une peinture toujours en mouvement, dont l’Homme jaune et l e Tatouage académique sont l’occasion de transgression.
Foin du corps mais paysage d’abord chez Olivier Nord, tournant son objectif sur le terrain en mutation, en sismographe des temps modernes. Des photographies qui font récit autour d’un « territoire colonisé par un style de vie qui s’impose socialement et nous transforme individuellement : une vision irrépressible de conformisme et de banalité » , observe Damien Chantrenne, commissaire de l’exposition et coauteur du catalogue avec Sylvie Carlier, conservateur du musée. Demeure une constance dans cette exposition : d’une œuvre à l’autre, une inquiétante étrangeté.