Gauche : En quête d’unité
Les européennes ont relancé au PS les discours sur la refondation et le rassemblement de la gauche. Mais il faudra plus que des mots pour que l’union, voulue par l’électorat de gauche, se concrétise.
dans l’hebdo N° 1057 Acheter ce numéro
Les lendemains de défaite se suivent et se ressemblent au Parti socialiste. Depuis le 7 juin, à entendre les principaux responsables socialistes, il n’est question que de « rénovation » , de « refondation » et de « modernisation » . Qui, bien entendu, doivent toutes être « profondes » . « Bouger » , faire preuve d’ « audace » … Autant de mots lancés pour conjurer l’échec mais qui ne disent rien sur ses causes et guère plus sur les moyens d’éviter sa répétition, tant ils semblent usés. Les mêmes ont déjà servi, après l’élection imperdable de 2007, après le traumatisme du 21 avril 2002… On connaît la suite.
Le conseil national du PS, convoqué en pleine semaine, deux jours après le scrutin, s’est déroulé sans drame ni passion. Après s’être assurée du soutien de Ségolène Royal lors d’une rencontre de conciliation, quelques heures plus tôt, au QG de l’ancienne candidate à la présidentielle, Martine Aubry a bien proposé au PS de « changer de cap » en six mois. Pour tirer toutes les conséquences de son fiasco aux européennes, elle a appelé à « une profonde refondation » du PS, « refondation des idées, refondation à gauche, mais aussi profonde refondation de nos pratiques, de nos démarches personnelles et collectives » . Elle a certes admis que son parti ne pourrait se relever ni par des « replâtrages » , ni par un « recentrage » ou une « réorientation ou par quelques artifices de communication » , mais n’a rien annoncé qui s’en distinguerait.
Côté fonctionnement, la Première secrétaire a annoncé une « nouvelle gouvernance » , avec la constitution d’une équipe resserrée d’une quinzaine de membres, selon ses proches, constituée de quadras et quinquas, et chargée de coiffer un secrétariat national pléthorique. A également été évoquée la constitution d’une sorte de comité des sages composé des grandes figures du PS : Bertrand Delanoë, Laurent Fabius, Ségolène Royal, François Hollande… Et aussi l’écriture d’un énième « projet de société » dont l’esquisse sera débattue le 7 juillet, lors d’un séminaire avec l’ensemble des membres du bureau et du secrétariat national, avant d’envoyer « à la rencontre des Français […] des ambassadeurs du projet » afin que celui-ci se nourrisse « de l’expérience vécue des “innovateurs du quotidien” » .
Enfin, Mme Aubry a souhaité engager une « nouvelle démarche de rassemblement à gauche » , « sans préalable, sans a priori et sans volonté hégémonique » . Celle-ci doit, par l’ouverture de « discussions avec tous ceux qui à gauche, sans exclusive, veulent porter un autre modèle de société pour la France, battre Sarkozy en 2012 et gouverner ensemble ensuite » . Il s’agit, a-t-elle précisé, de « bâtir une Maison commune », fondée sur un « projet commun » et « une stratégie de candidatures » incluant une « réflexion sur les primaires pour le choix [d’un] candidat à l’élection présidentielle de 2012 ».
À défaut d’être totalement nouvelle, cette perspective est en phase avec l’aspiration au dépassement des formations existantes et le désir d’unité de la gauche mesurée dans les sondages [^2]. Mais si, à en croire les échos du conseil national du PS qui se tenait à huis clos, la perspective d’alliances avec le MoDem semblait écartée, le 9 juin, elle est vite réapparue à la faveur d’élections partielles.
À Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), où le Front national est en embuscade après la mise en examen pour détournement de fonds publics, faux en écriture et favoritisme du maire Gérard Dalongeville, exclu du PS depuis, le jeune dirigeant socialiste local Pierre Ferrari, 27 ans, se présente avec la représentante locale du MoDem et le PCF.
À Aix-en-Provence, où le Conseil d’État a annulé l’élection municipale, Jean-Noël Guérini, le véritable homme fort de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône, a intimé l’ordre aux socialistes locaux d’ouvrir leur liste au MoDem et « même au-delà » . Non sans affirmer agir « en accord avec le PS à Paris » . En mars 2008, le socialiste Alexandre Medvedowsky avait choisi une tout autre voix en conduisant une liste d’union de la gauche allant du PRG à l’UMS (Unis pour un monde solidaire, appellation du collectif unitaire antilibéral aixois, membre de la Fédération). Une configuration rejetée aujourd’hui par le PS des Bouches-du-Rhône.
Si Alexandre Medvedowsky a accepté le diktat de M. Guérini pour être désigné tête de liste, ses anciens partenaires refusent de le suivre. Fort des 21 % obtenus sur la ville par Europe Écologie, les Verts font cavalier seul. Le PCF, le Parti de gauche, l’UMS et le NPA – qui se présentait séparément – ont annoncé leur intention de conduire une « liste de large rassemblement à gauche ».
Un cas de figure qui n’est pas isolé et pourrait se reproduire. Après les européennes, plusieurs formations à la gauche du PS, c’est le cas notamment du Parti de gauche, se prononcent en faveur de listes indépendantes du PS au premier tour, ouvertes à des accords au second tour mais sans aucune alliance avec le MoDem. Pour l’élection cantonale partielle de Mantes-la-Jolie (Yvelines) du 21 juin, qui doit pourvoir au remplacement de l’UMP Pierre Bédier, condamné pour corruption, Alternative citoyenne, les Verts, Decil (Démocratie et citoyenneté locales), le PCF, le Parti de gauche, le NPA et les Alternatifs soutiennent le communiste Jacques Saint-Amaux, avec toute une équipe qui montre que ce n’est pas un simple rassemblement de circonstance.
Dimanche dernier, à Anduze (Gard), Geneviève Blanc, candidate de Gauche alternative, portée par des dizaines de citoyens et soutenue par l’ensemble de la gauche au second tour, a été élue conseillère générale avec plus de 57 %. Au premier, comme en 2008, elle avait devancé le Front de gauche et le PS. Ce résultat a été accueilli comme l’hirondelle du printemps par la Fédération, au sein de laquelle milite la candidate. Cette élection démontre en tout cas que le travail d’élaboration collective, d’implantation et d’union peut payer.
[^2]: Selon l’Ifop (Sud-Ouest, 14 juin), 20 % des personnes interrogées se disent tout à fait favorables et 34 % plutôt favorables à une fusion du PS avec d’autres partis pour créer un grand parti de gauche ; l’idée séduisant surtout les sympathisants de gauche : 77 % pour les sympathisants du PCF, 71 % pour ceux du PS, 61 % pour ceux des Verts. 52 % des sondés d’une enquête Viavoice pour Libération (16 juin) souhaitent que « les sensibilités de gauche de gouvernement (Front de gauche, Parti socialiste, Europe écologie) se rapprochent dès maintenant pour travailler à un retour commun au pouvoir ». Cette aspiration est plus forte chez les sympathisants du PCF (81 %) et du PS (64 %) que parmi les écolos (57 %).