Le réchauffement laisse de glace

Ambitions minimales et frilosité politique : le projet d’accord sur le dérèglement climatique, prévu pour le sommet de Copenhague de décembre, n’a guère avancé après la réunion qui vient de se tenir à Bonn.

Patrick Piro  • 25 juin 2009 abonné·es
Le réchauffement laisse de glace

Six mois. C’est le délai dérisoire accordé à près de deux cents États pour parvenir à un accord international fort contre le dérèglement climatique pour la conférence des Nations unies qui se tiendra à Copenhague en décembre. Et c’est bien mal parti : la session de négociations qui vient de s’achever à Bonn, loin d’en rapprocher la communauté internationale, a pris l’allure d’une compétition de surplace, où les coureurs déploient tous leurs efforts pour inciter les autres à se lancer avant eux. « Nous avons un travail de titan devant nous… » , a reconnu Arthur Runge-Metzger, représentant de la Commission européenne.

Le défi de Copenhague : définir les contours d’un accord international de réduction des gaz à effet de serre (GES) pour prendre la suite du protocole de Kyoto, le premier du genre, qui arrive à échéance en 2012. L’épure souhaitable est connue, elle a été établie par les scientifiques du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) et n’est contestée par personne : pour éviter une dérive catastrophique du climat, il faut viser une division par deux des GES mondiaux en 2050. Et, pour cela, il faut qu’ils aient entamé leur décroissance en 2020. Mention particulière pour les pays industrialisés : à cette date, leurs GES devraient avoir diminué de 25 à 40 %, en référence à leur niveau de 1990. Or, tous engagements additionnés, on n’est qu’aux environs de 12 %…

Car cette « douloureuse », aucun des grands pays émetteurs au monde ne l’a encore avalée, faute d’avoir respecté les objectifs du protocole de Kyoto, pourtant bien minimalistes – 5,2 % de réduction globale avant 2012. L’Union européenne, qui agit groupée, s’est ainsi engagée il y a plus d’un an à atteindre 20 % de réduction pour 2020, se réservant l’annonce d’un bonus – passer à – 30 % –, si Copenhague accouche d’un « bon accord ». Il y a de bonnes chances que le cadeau reste dans son emballage… Car la Russie est aux abonnés absents (une habitude) ; le Japon, jusque-là silencieux, a douché l’audience à Bonn, auteur d’un maigre « – 8 % » ; quant au « – 4 % » des États-Unis, s’il démontre un retour de bonne volonté du premier pollueur planétaire (+ 15 % sous l’ère Bush !), il plombe non seulement l’objectif global par sa grande insuffisance, mais il fixe peut-être aussi le pivot des négociations à venir.

Et notamment du point de vue des grands pays émergents. Nouveauté : depuis quelques mois, la plupart d’entre eux se disent prêts à faire des efforts, et l’Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l’Inde ou le Mexique ont lancé des plans de lutte climatique nationaux. Mais ils répètent avec insistance que c’est aux pays industrialisés – responsables d’une dérive climatique qui se prépare depuis un siècle – de donner un exemple à la hauteur de l’enjeu.
Si tout reste donc à faire, concernant la question centrale des objectifs de réduction des gaz à effet de serre, ce blocage n’est pas le seul. L’autre hiatus crucial, c’est le financement des efforts : pour atténuer les effets du réchauffement et – plus incertain, comme toujours – pour aider les pays du Sud à s’adapter à la crise climatique qui devrait les toucher durement (désertification, eau, migrations, etc.).
D’ores et déjà, il paraît donc irréaliste de compter sur un accord à Copenhague. Le seuil de satisfaction diplomatique pourrait alors être atteint si la communauté internationale parvenait au moins à se placer sur les bons rails au sortir de ce sommet.

Trois nouvelles sessions de négociations sont prévues d’ici à décembre. Même au service d’un objectif bas de gamme, elles ne seront pas de trop pour les délégués gouvernementaux. Ils guetteront quelques avancées politiques à la suite de deux réunions avec des chefs d’État, dont le menu sera climatique : le « Forum des économies majeures » (MEF), avec les 16 économies les plus polluantes, conclu mardi 23 juin à Mexico, puis le sommet du G8 en juillet, en Italie. Une réunionite internationale qui prépare la grande fièvre promise pour Copenhague.

Écologie
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