Les Guignols : vingt ans de liberté
dans l’hebdo N° 1057 Acheter ce numéro
Voilà quatre lustres bien tassés que les Guignols de l’info agitent le petit écran. En termes de télé, une éternité. De quoi aussi mesurer les changements climatiques au sein d’une boutique qui se nourrit des médias pour en faire son miel, tirer des blagues qui ont du sens, livrer un décodage de l’actualité tout en créant un monde parallèle – celui des marionnettes en personnages récurrents d’une sitcom.
Dans le bastringue du latex, Yves Le Rolland est directeur artistique depuis 1995. D’hier à aujourd’hui, « ce qui a changé, observe-t-il, c’est le monde politique. Auparavant, on était sur des univers indépendants. La politique, le show-biz, la télévision, la communication. Maintenant, on ne sait plus qui fait quoi. Tout est dans tout » . Et réciproquement. « L’accélération est aussi un autre bouleversement. Une info ou un événement vient balayer un autre événement. À titre d’exemple, les Guignols ont tenu deux ans sur “Putain ! deux ans, je m’emmerde !”, où, en effet, il ne s’est rien passé. Avec Sarkozy, il faut réussir à trier parce que, chaque jour, il nous propose quelque chose, et qu’il faut essayer de trouver une cohérence au personnage. »
Il n’en reste pas moins des thèmes évités aux Guignols, au contraire d’autres supports. Le père de l’enfant de Rachida Dati, « parce que ça n’a aucun intérêt, ni signification », ou plus encore la tyrannie de l’émotion, quand il « faut ressentir la même chose au même moment, tristesse ou joie » . On pourrait croire l’esprit sarcastique des Guignols émoussé. Du tout ! Rappelons le numéro du 12 septembre 2001, carrément à rebours, avec son « Allah 1-Jésus 0 », et la possibilité désormais pour les Américains de bombarder à l’envi. Fallait être courageux alors. Ou Benoît XVI en facho au lendemain de sa nomination. En?somme, une longueur d’avance dans le décryptage. Les Guignols donnent l’impression d’être admis. « Ça nous donne plus de liberté » , estime Yves Le Rolland.