L’homme qui faisait rire vert
Sans coups d’éclat ni scandale, Marc Jolivet, écologiste convaincu, demeure fidèle à ses convictions, qu’il affirme sur scène mais aussi en dehors.
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«L’humoriste n’est pas forcément drôle. » C’est Marc Jolivet qui le dit. Comique, réalisateur, chanteur à ses débuts, boute-en-train à l’embonpoint caractéristique, la voix tonitruante, le geste et le verbe théâtraux, l’homme a tout de l’artiste de scène. À la fois pitre et bouffon, excessif mais en finesse. On le dit phobique et hypocondriaque, on le voit hyperactif mais accessible. « Il existe même un côté pathétique. D’ailleurs, mon sketch le plus fort, et celui le plus demandé par le public, est le moins drôle », insiste-t-il, évoquant « La terre est malade », plaidoyer écologique.
Dire son métier, c’est se dire lui. Et l’heure n’est pas à l’introspection. Sa compagne le pousse tout de même un peu à la confidence : « Tu as quand même l’habitude de dire que tu es là pour dénoncer les choses… » Et lui de concéder bon gré mal gré : « Oui, c’est vrai, je pense que je suis là pour dénoncer, critiquer les choses, la politique et le reste… C’est pour ça que je suis humoriste. Mais il ne faut pas chercher à définir les choses. Je ne peux pas dire ce qu’est un humoriste, je peux vous dire ce que je fais, moi. Je suis ce que je suis, et je ne me permettrais pas de parler pour les autres. » La scène se passe dans une loge du Zénith, un soir de meeting d’Europe Écologie, quelques jours avant l’élection des parlementaires européens, où il a été réquisitionné pour jouer le présentateur d’un soir.
Écologiste convaincu depuis trente-cinq ans, il fut d’ailleurs le candidat des Verts aux municipales de 1989 face à Jean Tiberi dans le Ve arrondissement de Paris. Il récolta 11,89 % de suffrages. À 12 %, il aurait fait son entrée au conseil municipal… Sans être totalement dupe, il refuse néanmoins de suspecter quelques manigances politiciennes et s’en va fouetter d’autres chats.
À défaut de faire de la politique, Marc Jolivet réalise des actes politiques. En février dernier, il crée l’association Rire pour la planète, soutenue par Nicolas Hulot, qui a l’ambition de sensibiliser collégiens et lycéens aux enjeux environnementaux. Depuis le début de l’année, il est également président d’honneur de l’ONG Écologie sans frontières, tandis que son dernier spectacle a pour objet le réchauffement climatique et pour personnage principal un ours polaire. Engagé donc, non pas à la manière saignante de certains de ses confrères, mais tout de même sans équivoque : « Vous n’êtes peut-être pas au courant, mais depuis l’Italie, une maladie contagieuse se propage partout en Europe : la tuberlusconnerie ! »
« Ce sont les autres, le public, qui me définissent. Pour certains, je suis écolo ; pour d’autres, je suis un clown ou un emmerdeur… Tout est vrai, poursuit l’humoriste, mais je suis surtout indépendant. Je suis mon propre producteur. » L’indépendance, un gage contre certaines pressions, mais pas contre toutes. Car, si l’humoriste est l’un des chantres de la provocation, chaque époque a ses tabous, et l’actuelle semble battre des records. À la question de savoir si la vie est aujourd’hui plus dure pour les humoristes, le trublion se fait soudain plus calme, presque grave. « Oui, c’est sûr. C’est plus difficile aujourd’hui car la civilisation s’arc-boute sur elle-même. Au fur et à mesure des années, on voit qu’il y a beaucoup de sujets qu’il faut éviter. On ne peut plus rire ni des Juifs, ni des Arabes, ni des Noirs. Il y a des limites à tout, c’est infernal. La seule chose qui ne bouge pas, c’est qu’on peut continuer à se moquer des femmes, ça ne dérange personne. » L’art de repousser les frontières du politiquement correct a encore de beaux jours devant lui.