Siouplaît !
dans l’hebdo N° 1058 Acheter ce numéro
Finalement, ce n’est pas (du tout) le mobyletteux mollah Omar qui a commandité l’attentat où sont morts, en mai 2002, à Karachi (Pakistan), onze ingénieurs français travaillant pour la Direction des constructions navales (DCN) de notre (mythique) Délégation générale pour l’armement (DGA) – dont le seul nom porte la promesse d’une exquise intégrité.
Finalement : c’est plutôt une équipe de BP (barbouzes pakistanaises) qui a organisé la tuerie.
Motif : les mecs étaient un peu marris de n’avoir pas reçu, comme prévu, leur part des confortables commissions versées en marge de la vente au Pakistan, au mitan des (folles) années 1990 et pour la somme, pansue, de 5,5 milliards de francs, de jolis sous-marins Agosta made in France .
C’est du moins ce que supposent, après de looooongues années d’investigation, les juges antiterroristes Marc Trévidic et Yves Jannier, qui ne sont pas exactement, que l’on sache, des agents de l’anti-France.
Détail émouvant : leur dossier mentionne également qu’une fraction de ces pots-de-vin devait, comme dans toute affaire authentiquement pourrie
(du type frégates-de-Taïwan), revenir au pays sous la forme
de rétrocommissions – lesquelles peuvent comme on sait constituer,
outre une tradition du folklore hexagonal
(au même titre que les nougats de Montélimar, les bêtises de Cambrai ou la furieuse envie
de Béziers), un nerf, et non le moindre,
des guerres électorales.
Or.
Qui était justement candidat à la magistrature suprême, avec par conséquent de gros besoins d’argent, quand fut avalisé le versement de ces commissions ? Balladur.
Qui était son fidèle second ? Sarkozy !
Qui a « donné son feu vert à la DCN en vue
de créer une structure luxembourgeoise par laquelle transiteraient des commissions
à l’exportation » , comme le rapporte Libération ? Sarkozy ! (Le choix du Grand-Duché traduisant, on l’aura deviné, la quête effrénée d’un supplément de transparence.)
En soi, évidemment, ça ne prouve rien.
Mais si nous étions en démocratie, ce gars, devenu chef de l’État, dont le nom apparaît soudain en lettres de vingt-cinq mètres de haut dans l’instruction d’une affaire qui prend désormais de très gros airs de gigantesque scandale, serait tenu de s’expliquer un peu sérieusement.
Or : ce n’est pas du tout ce qui se passe.
Sarkozy a tranquillement déclaré que l’hypothèse des juges était « grotesque » , puis il a demandé sans rire qu’on « respecte la douleur des familles » des victimes, « siouplaît » . (Exactement comme si ce respect n’impliquait pas, justement, que toute la lumière soit faite sur l’attentat de mai 2002.)
Puis tout le monde – ou presque – est passé à autre chose : ce n’est pas comme si la presse l’avait harcelé de questions gênantes, du genre, m’sieur l’président, arrêtez un peu de nous prendre pour des sot(te)s. Siouplaît.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.