Un scrutin et quatre inconnues
Après une campagne atone et sans vrais débats, les électeurs sont appelés à élire 72 députés européens, le 7 juin.
dans l’hebdo N° 1055 Acheter ce numéro
L’affluence de listes nuit à la participation électorale. Ce constat risque fort de s’imposer encore au soir des élections européennes. Pas moins de 160 listes – il y en avait 168 en 2004 – sont en lice pour désigner à la proportionnelle 72 représentants à Strasbourg, répartis dans huit grandes circonscriptions (13 en Île-de-France et dans le Sud-Est, 10 dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, 9 dans l’Ouest et l’Est, 5 dans le Massif central-Centre et 3 en outremer). Et pourtant, à en croire les sondages, plus d’un électeur sur deux envisagerait de bouder les urnes.
Depuis 1979, date de la première élection du Parlement européen au suffrage universel, la participation électorale décline régulièrement. L’abstention avait atteint un niveau record en 2004 : 57,2 %. Qu’en sera-t-il le 7 juin ? C’est la première inconnue de ce premier scrutin européen depuis le référendum sur le traité constitutionnel européen. Le 29 mai 2005, 69,4 % des électeurs avaient voté. Le non-respect du résultat de ce scrutin – le « non » l’avait emporté avec 54,67 % – alimente le refus de vote. L’abstention est aussi encouragée par le gouvernement : tout est fait pour distraire l’attention des enjeux de ce scrutin ; peu de débats ont été organisés sur les chaînes et radios de service public, et essentiellement entre anciens partisans du « oui » ; les bureaux de vote fermeront à 18 h – 20 h dans les grandes villes – et non plus à 22 h.
Plus l’abstention sera forte, plus elle relativisera le vote-sanction en reléguant au second plan le score des listes de la majorité présidentielle. En se présentant unie autour de l’UMP, celle-ci a toutes les chances d’arriver en tête du scrutin. Mais cette victoire toute relative ne doit pas faire illusion. Le score de l’UMP et de ses satellites mesurera le soutien dont bénéficie le gouvernement. Oscillant dans les sondages entre 25 et 28 %, il sera faible, traduisant une défiance dont l’ampleur reste à mesurer.
Les rapports de force au sein des « anti-Sarkozy », constitue la troisième inconnue du scrutin. Le PS, grand vainqueur du scrutin de 2004 avec près de 29 % des suffrages, est concurrencé à la fois par le MoDem, Europe écologie et le Front de gauche. Et pourrait perdre 5 à 10 points. Tout au long de la campagne, les socialistes ont bien tenté d’incarner l’opposition en France et en Europe, en disant « non à Sarkozy et non à Barroso » ou en plaidant pour une « sanctuarisation » des services publics et un bouclier social. Mais ces positions de circonstance ne prennent plus.
Le PS paie aussi son soutien au traité constitutionnel européen, puis au traité de Lisbonne, alors que le clivage oui-non de 2005, même atténué, perdure. Le haut niveau des listes de la gauche de gauche (15 % environ) dans les sondages en est un des signes. Avec, au sein de celle-ci, une compétition entre le NPA et le Front de gauche pour l’avenir de la recomposition de la gauche. Un match dans le match en quelque sorte, dont l’issue constitue la quatrième inconnue de ce scrutin.