Bolkestein bouge encore
Le gouvernement a entamé sans bruit un important chantier de libéralisation des services avec la transposition de la directive Bolkestein et de son fameux principe du « pays d’origine », à peine retouché.
dans l’hebdo N° 1059 Acheter ce numéro
La directive Bolkestein est de retour, mais le gouvernement et la droite n’en diront rien. Le silence requis autour de ce dossier brûlant de la transposition de la fameuse directive de libéralisation des services, qui doit intervenir avant le 28 décembre, est une consigne expliquée dans un rapport présenté le 17 juin par le sénateur UMP Jean Bizet. Le gouvernement a même abandonné l’idée d’un projet de loi-cadre, en raison « des considérations politiques tenant à la forte sensibilité des implications de la “directive services”, sur les professions réglementées, par exemple. Une loi-cadre de transposition pourrait en effet servir d’“épouvantail” à tous ceux qui seraient tentés d’instrumentaliser un exercice essentiellement technique à des fins électorales. Elle ne doit pas constituer un prétexte à la “cristallisation” des mécontentements de tous ordres, d’autant plus nombreux en période de crise ».
Aucun débat politique ni aucune campagne d’information générale ne sont pour l’instant programmés. Seule une communication serait envisagée en direction des professionnels. « Elle serait réalisée en relation étroite avec le Medef, au second semestre 2009 » , explique brièvement le rapport Bizet. Surtout, le gouvernement et une partie de la classe politique, droite et gauche confondues, ne souhaitent pas que ressurgisse la controverse autour de cette directive et de son « principe du pays d’origine ». Celle-ci avait largement contribué à la victoire du « non » lors du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen.
Une nouvelle controverse mettrait en lumière une directive, certes revue et corrigée en 2006 par le Parlement européen, qui a conservé l’essentiel de ses objectifs de libéralisation des services fixés par son auteur ultralibéral, Frits Bolkestein. Son champ d’application est en effet très large. La directive vise à mettre en concurrence les prestataires de services et à faciliter la liberté d’établissement dans les États membres. Elle inclut les services publics, nommés par la Commission « services d’intérêt économique général » (transports, services postaux, approvisionnement en eau, électricité, traitement des déchets, etc.), et les services fournis aux entreprises et aux consommateurs. L’exclusion des services de santé et des services sociaux n’est que provisoire. « Il n’est pas inenvisageable que certains secteurs aujourd’hui exclus du champ de la directive y soient réintégrés à l’avenir, à la demande des professionnels eux-mêmes » , prévient le rapport Bizet.
Autre subtilité, la notion de « principe du pays d’origine » a certes disparu, mais pour une formulation ambiguë : le principe de « libre prestation de services ». Et la transposition est accompagnée d’un règlement européen adopté en 2008, qui doit s’appliquer à tous les contrats conclus après le 17 décembre. Ce règlement, qui remplacera la Convention de Rome de 1980, s’appliquera directement aux État membres et mettra en place un dispositif proche du principe du pays d’origine, si l’on en croit le réseau européen de soutien aux entreprises Enterprise Europe Network, mis en place par la Commission européenne. Mais les Français n’en sauront rien, pour l’instant…