« L’autogestion permet l’émancipation »
Rachel Lafontaine, porte-parole des Alternatifs, fait le point sur les positions et engagements de son parti à la veille de l’université d’été qu’il tient à Dunkerque, du 3 au 6 juillet.
dans l’hebdo N° 1059 Acheter ce numéro
Politis : D’où viennent les Alternatifs ? À quelle famille de la gauche se rattachent-ils ?
Rachel Lafontaine : À l’origine, bon nombre de militants sont issus de l’Alternative rouge et verte ; auparavant, certains ont vécu l’aventure du PSU. Et toute une partie a une tradition de réflexion autour de l’autogestion. Face aux urgences multiples, nous sommes obligés de réfléchir de manière très globale afin de recouvrir tout ce qui nous semble devoir composer un projet politique. On ne peut pas concevoir un projet politique alternatif sans aborder le féminisme et l’écologie.
Votre absence aux élections européennes marque-t-elle un désintérêt des élections ?
L’unité à la gauche de la gauche était pour nous la seule perspective utile. Nous l’avons cherchée à travers un processus long, laborieux. Malheureusement, malgré des efforts certains et pas mal de convergences sur le fond, le processus de l’unité n’a pu aboutir. Nous avons décidé par conséquent de ne pas partir aux élections européennes, mais cela ne nous empêchera pas de réfléchir aux régionales. Si nous ne sommes pas dans le rejet du processus électoral, nous ne sommes pas non plus uniquement dans la logique d’appareil qui pousse à sauter d’une élection à l’autre.
Quelle analyse faites-vous de ces européennes ?
Au regard du taux d’abstention, les réjouissances de la droite ne sont pas justifiées. On peut regretter qu’une sensibilité environnementaliste se soit manifestée pour des listes qui ne défendaient pas un projet très cohérent puisque les listes Europe-écologie rassemblaient des candidats qui avaient voté « oui » et d’autres « non » au référendum de 2005. Les mauvais scores de la gauche de gauche sont notamment la conséquence de l’absence d’unité, même si la volonté de rassemblement a été bien perçue : le Front de gauche, qui rassemblait le plus de composantes, a réussi à tirer son épingle du jeu. L’élection dans le canton d’Anduze (Gard), le 14 juin, d’une conseillère générale soutenue par l’ensemble de la gauche de la gauche prouve qu’il est possible de gagner.
Vous êtes engagés dans la Fédération. Pourquoi ce choix ?
Toujours dans l’idée de cette recherche d’unité. La Fédération est aussi une voie par laquelle on peut engager chaque citoyen à se réapproprier la politique quand la forme parti est parfois difficile à appréhender. La Fédération autorise les regroupements de structures à formes multiples. Ce peut être des partis, des associations, des citoyens non encartés… En cela, elle peut être un outil de travail très intéressant.
Est-ce que l’abandon de la forme parti n’est pas paralysant quand il s’agit de prendre des décisions ? Dans la préparation des européennes, vous avez négocié avec les autres partis en tant qu’Alternatifs et non sous le label Fédération.
La Fédération est une structure qui ne se positionne pas seulement par rapport aux élections, et ne fait pas de la politique telle qu’on l’entend classiquement. On est dans une réflexion politique large : le monde tel qu’il est, le projet que l’on a envie de construire, une réflexion sur la forme aussi – comment on a envie de militer autrement. Aux élections européennes, c’était (et c’est toujours) une structure toute jeune, qui commence à se construire. C’est un processus long de construire un outil politique nouveau et différent.
Peut-on imaginer une forme complètement lâche qui concilie autonomie des groupes locaux, convergence et efficacité lors de campagnes ou d’élections ?
L’utopie serait celle-ci. Après, c’est toujours la même chose en politique, c’est un travail de longue haleine notamment localement et sur le terrain de construction, de rassemblement des militants, de réflexion… C’est beaucoup de temps et d’énergie. Mais c’est un idéal vers lequel il faudrait tendre.
Avez-vous arrêté une position de principe sur les régionales ?
Pas vraiment, notamment parce que l’idée est de ne pas être uniquement dans les élections et de passer du temps à la réflexion du projet politique. C’est la raison pour laquelle notre université d’été est toujours un moment fort où on prend le temps de construire un projet politique en dehors du parcours politique imposé. Nous y consacrons beaucoup d’énergie parce que la pratique de l’autogestion est un des meilleurs moyens de se former, pour savoir en parler ensuite et défendre cette thématique au moment des élections, par exemple.
Mais nous souhaitons travailler pour des listes de rassemblement de la gauche de transformation écologique et sociale indépendantes du PS.
Qu’entendez-vous par autogestion ? Il n’y a plus que vous qui en parlez.
Effectivement. Cela renvoie à une société où chacun peut s’approprier son mode de vie, la politique, les choix en matière de développement économique, en matière d’écologie, choisir ses actions, choisir ses orientations sans contrainte, s’auto-organiser au sein des entreprises, des universités… C’est, à notre avis, le modèle qui permet l’émancipation et une réelle démocratie active et participative.