« On n’a pas le temps de faire de la réinsertion »
Les surveillants de prison ont fait grève pour dénoncer le manque d’effectifs et leurs difficiles conditions de travail, dues en grande partie à la surpopulation carcérale.
dans l’hebdo N° 1060 Acheter ce numéro
Les surveillants de prison n’ont pas le droit de grève ni celui de manifester. Début mai, ils ont pourtant bloqué plusieurs établissements pénitenciers pour obtenir de meilleures conditions de travail. Le ministère de la Justice a promis alors un renforcement des effectifs et la création d’un bureau d’action sociale. « Ces engagements sont insuffisants. Ils n’auront aucun effet : 174 agents supplémentaires, ça ne fait même pas un gardien de plus par établissement » , commente Céline Verzeletti, surveillante de prison et déléguée syndicale CGT. Pour les 24 300 surveillants répartis en France, le principal problème demeure cette surpopulation carcérale qui accroît la violence entre détenus et à l’égard du personnel. Elle prive aussi les gardiens des moyens nécessaires pour accomplir correctement leurs missions.
À la maison d’arrêt de Versailles, il y a un agent pour 120 détenus. Mis à cran par des conditions de travail à flux tendu, les gardiens ont le sentiment que leur rôle est réduit à celui d’un porte-clés : « On passe notre journée à ouvrir et fermer les portes, on n’a pas le temps de mener à bien notre mission de réinsertion, de discuter avec les détenus, poursuit Céline Verzeletti. On voit arriver de plus en plus de personnes avec de graves problèmes psychologiques, aux comportements imprévisibles. » Dans cet esprit, le 5 mai dernier, la Ligue des droits de l’homme demandait la mise en place d’un « plan d’urgence santé, en collaboration avec le secteur public hospitalier, en particulier en psychiatrie », sachant cependant que la fermeture de lits dans les hôpitaux psychiatriques n’a fait qu’empirer la situation.
Significatifs d’un malaise dans la profession, depuis le 1er janvier, onze suicides parmi les gardiens, dont deux sur leur lieu de travail. « On se sent très seul, souvent déconsidéré » , reconnaît Céline Verzeletti. Payés 1 300 euros en début de carrière, les surveillants touchent à peine 1 700 euros au bout de quinze ans. S’y ajoutent les heures supplémentaires car le manque de personnel est chronique. L’agrandissement du parc pénitentiaire ces dernières années n’a rien changé à la surpopulation. Un problème condamné à se répéter à perpétuité ?