Un homme à la mère
« Liverpool », de l’Argentin Lisandro Alonso, est un film d’atmosphères.
dans l’hebdo N° 1062-1064 Acheter ce numéro
Un marin endormi dans les soutes d’un bateau de marchandises est réveillé par un mécanicien parce qu’il n’a rien à y faire. C’est la première image, plutôt glauque, de Farrel, bientôt la quarantaine, alcoolique, taiseux, filiforme. Puis on le retrouve sur le pont, au grand air, image cette fois-ci splendide, avec derrière lui, en contrebas, d’immenses conteneurs verts, rouges ou jaunes, et la mer, sereine, dans laquelle se reflète un soleil doux. Liverpool, de l’Argentin Lisandro Alonso, est avant tout un film d’atmosphères, de couleurs, d’impressions. Il n’a rien à voir avec le port anglais de Liverpool, et entraîne le spectateur dans le tourment intérieur d’un homme dont rien ne sera dit ni montré.
Profitant d’une escale à Ushuaïa, la ville argentine la plus proche de l’Antarctique, Farrel va rendre visite à sa mère, qu’il n’a pas vue depuis de nombreuses années. On suit son périple, qui le mène, en stop ou à travers des champs recouverts de neige, dans un village de baraques, dont le centre semble être une cantine aux grandes tables désertes. On comprend peu à peu que la jeune fille qui habite chez sa mère – une vieille femme qui ne le reconnaît pas – a un lien de famille avec lui, mais Farrel ne connaissait pas son existence. Sa fille ? Probable. On n’en saura pas plus. Lisandro Alonso, dont Liverpool est le quatrième long-métrage, et qui avait émerveillé avec Los Muertos (2004), continue dans un cinéma sans compromis avec la narration classique, où le film se fabrique autant sur l’écran que dans le regard du spectateur, libre de projeter sur ces personnages énigmatiques tout le mystère du monde.