Une pièce au dossier
dans l’hebdo N° 1060 Acheter ce numéro
De Maurice Couve de Murville, de Gaulle disait qu’il pouvait rester assis sur un bloc de glace sans le faire fondre. La formule pourrait s’appliquer tout aussi bien à Hubert Védrine, expert en litotes, diplomate né, et fils d’un compagnon de la première heure de François Mitterrand. Celui-ci en fit d’abord un conseiller, dès 1981, puis le porte-parole de la présidence de 1988 à 1991, avant de le nommer secrétaire général de l’Élysée en 1991. Fonction qu’il a occupée jusqu’à la fin du second septennat, en 1995. C’est au cours de cette période qu’eurent lieu au Rwanda les dramatiques événements évoqués dans ces pages. Mais pourquoi revenir aujourd’hui sur cette tragédie ? Nous avons souhaité rencontrer Hubert Védrine à la suite de la publication par l’Esprit frappeur de la revue la Nuit rwandaise (n° 3, avril 2009), sous-titrée de façon édifiante « L’implication française dans le dernier génocide du XXe siècle ».
Certains de nos lecteurs avaient attiré notre attention, parfois avec véhémence, sur les zones d’ombre que comporte encore cette affaire. Nous ne prétendons surtout pas ici refermer le dossier. C’est cependant une pièce importante que nous versons. Notre conversation avec Hubert Védrine s’est déroulée sans entrave ni interdit. Nous avons fait le choix de la reproduire intégralement. Hubert Védrine, qui a pu relire le décryptage, n’en a pas retranché un mot. Nous ne faisons pas mystère d’apprécier certaines analyses de celui qui fut ensuite ministre des Affaires étrangères de Lionel Jospin (de 1997 à 2002), notamment sur le Proche-Orient et sur le rôle de « l’hyperpuissance » américaine depuis la chute du mur de Berlin. Mais le Rwanda est une autre affaire qui touche à ce que François-Xavier Verschave appelait « la Françafrique », c’est-à-dire la part la plus opaque et souvent la plus cynique de la politique étrangère de la France. Pour autant, peut-on dire que la France de Mitterrand… et de Védrine s’est rendue complice d’un génocide ? Franchement, ni les faits ni la logique politique ne nous autorisent à le dire. Que la France ait commis des erreurs, qu’elle ait été prisonnière d’une vision manichéenne du conflit, c’est évidemment autre chose. Mais, en l’état, les explications d’Hubert Védrine nous semblent convaincantes.