En pleine poussée de confiance
Lors de leurs Journées d’été conjointes, les Verts et Europe Écologie, forts de leur résultat
aux européennes, se sont revendiqués comme moteurs dans le dépassement de la crise que vit la gauche.
dans l’hebdo N° 1065 Acheter ce numéro
«C’est Oui-Oui planète, ici ! », raille le député Vert Yves Cochet, mi-amusé, mi-réprobateur. Sous la canicule qui assomme Nîmes, près de 2 000 écologistes ont vécu leurs journées d’été, du 20 au 22 août, encore euphorisés du résultat historique de la liste Europe Écologie le 7 juin dernier : 16,3 % des voix et 14 députés au Parlement européen. Sur les pavés de l’université de Nîmes, cité Vauban, on croise d’anciennes têtes écolos de retour, comme Guy Hascoët, ex-secrétaire d’État à l’Économie solidaire du gouvernement Jospin.
Les Verts avaient offert à Europe Écologie d’être puissance co-invitante de cette première université politique de la rentrée. Entre écolos « in » (Verts) et « off » (sympathisants d’Europe écologie), « pastèques » et « melons » [^2], on ne s’est pourtant pas laissé déborder par l’autocongratulation. Daniel Cohn-Bendit, au pinacle de sa popularité, avertit d’entrée son monde : « Ne dilapidons pas en un mois ce capital électoral, comme il y a dix ans. »
Car de vastes chantiers se présentent à des écologistes en pleine confiance, qui entendent désormais voir grand.
Le premier, c’est le devenir d’Europe Écologie, à la recherche de son second souffle : que proposer à ses 15 000 sympathisants ? Le consensus s’est établi dès la mi-juin pour lui conserver la forme d’un réseau souple. Europe Écologie pourra ainsi héberger des organisations et des individus – qui pourront être simultanément encartés chez les Verts. Défi lancé à Nîmes : d’ici à la fin 2009, rassembler 10 000 adhérents cotisants, ainsi qu’un million d’euros de souscription. Mais les militants resteront un peu sur leur faim, faute de propositions concrètes. Tout au plus une suggestion de Cohn-Bendit – qui ne postule « plus à rien » – de susciter des assemblées constituantes dans chaque région.
Car, c’est le deuxième défi des écologistes, le calendrier impose à la mouvance de se structurer rapidement si elle entend ne pas trop laisser la part belle aux Verts dans l’organisation des élections régionales de mars 2010.
Une très large majorité d’entre eux souhaite la constitution de listes autonomes pour le premier tour, visant la confirmation de la poussée du 7 juin dernier, voire la conquête de la présidence d’une poignée de Régions
– pourquoi pas Rhône-Alpes et l’Île-de-France (avec Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts ?)…
Mais l’alchimie des européennes sera beaucoup plus délicate à faire agir dans les 22 Régions de France. Ainsi, les statuts des Verts délèguent à leurs assemblées régionales, où s’affrontent une demi-douzaine de courants internes, la prérogative de choisir leur stratégie. Et déjà certains Verts, comme en Poitou-Charentes, n’entendent pas récuser leur fructueuse alliance de premier tour avec les socialistes. Ensuite, l’effet « casting » sera amoindri : de nombreuses têtes connues ont été élues au Parlement européen. « J’ai confiance, ça se passera bien », souffle Cécile Duflot, proche de la méthode Coué.
Autre risque : l’offensive régionale des écologistes risque de virer à l’opération anti-PS, parti qui tient 20 des 22 présidences de Région. Daniel Cohn-Bendit, réfractaire à la cuisine interne des Verts, a ainsi beau jeu de tenter d’imposer à ses alliés son agenda pour un troisième défi : « Changer la gauche et défier la droite » . Au-delà des envolées de Nîmes sur la centralité « désormais incontournable » de l’écologie politique dans le renouveau (voire le dépassement) de la gauche, le député européen est déjà dans la tactique. Alors que les Verts se contenteraient d’une « ouverture » permettant d’agglutiner des transfuges socialistes ou centristes, il leur a largement grillé la politesse appelant à des alliances à gauche « et jusqu’au Modem » : l’arithmétique électorale donnerait à un attelage PC-PS-Verts-Modem plus de voix qu’à l’UMP et ses satellites « pour battre Sarkozy » à la présidentielle de 2012. « Discutons d’abord d’un projet » , tempère Cécile Duflot. Ce doit être l’objet d’une convention de l’écologie politique qui se tiendrait à l’automne, où reviendra en force le débat sur l’ancrage à gauche de l’écologie politique.
[^2]: « Verts » dehors et « rouge » dedans – proches de la gauche radicale –, ou bien « orange » – proches du Modem, représentant jusqu’à 20 % des électeurs d’Europe Écologie.