Le soleil a rendez-vous avec l’Europe
Le photovoltaïque représente une chance formidable pour l’Europe dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Mais, pour des raisons industrielles, la France est à la traîne.
dans l’hebdo N° 1065 Acheter ce numéro
Dans un rapport établi par le cabinet de consultants A. T. Kearney pour le compte de l’Epia, Association européenne des industriels du photovoltaïque, et curieusement resté confidentiel, des spécialistes évaluent à 12 % le possible apport de l’électricité solaire à la consommation énergétique de l’Europe en 2020.
Le développement du voltaïque, contrairement à l’éolien, par exemple, ouvre de grandes perspectives à la production individuelle d’électricité. Or, ces perspectives ne conviennent pas au gouvernement français, qui craint de perdre une partie de sa maîtrise des prix et de la production. La décentralisation d’une partie de la fourniture de l’électricité induit la possibilité de se passer, totalement ou en partie, des grands réseaux de distribution. D’autant plus que les clients d’EDF et des autres distributeurs vont de plus en plus profiter des avantages que leur offre le droit, garanti par la loi, de revendre leur surplus de production.
Le rapport explique notamment que la production d’électricité photovoltaïque permettrait de créer des emplois décentralisés durables et d’améliorer l’électrification rurale ainsi que la sécurité énergétique de chaque pays. Le texte de l’Epia affirme également que, si le photovoltaïque continue de se développer, il sera compétitif partout dès la fin de 2010, avec une baisse notable du coût de production et d’installation, et pourrait « aider l’Europe à atteindre ses objectifs politiques et économiques en matière d’énergie propre, sûre et renouvelable ».
L’électricité solaire – pas plus que l’éolien, l’exploitation locale ou régionale de la biomasse ou la méthanisation – n’est certes pas la solution unique à la question de l’énergie renouvelable, mais elle peut en faire largement partie. Avec la perspective actuelle d’un développement de 4 % de production d’électricité solaire, l’Europe n’a aucune chance d’atteindre ses objectifs en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Et l’incapacité politique et économique à innover sera vigoureusement contestée au cours des discussions du sommet sur le climat de Copenhague, au mois de décembre prochain.
Il serait bien sûr naïf d’oublier que ce rapport illustre une stratégie industrielle de développement. Tout comme la production de l’énergie thermique d’origine solaire a augmenté de 51 % en Europe en un an, notamment grâce au bond de 100 % enregistré en Allemagne [^2], l’énergie électrique voltaïque est partout en progrès en Europe. Sa production a doublé entre 2007 et 2008. Même si, du fait de la résistance des installateurs, d’EDF et des protecteurs du paysage, la France se situe toujours au 4e rang européen, malgré un doublement des panneaux entre 2007 et 2008, loin derrière l’Allemagne, où la puissance installée est 60 fois supérieure à celle du territoire français, représentant la moitié des panneaux voltaïques fonctionnant en Europe !
En France, EDF peine à faire face aux demandes de raccordement d’une installation voltaïque puisque les délais de réponse après le dépôt d’un dossier très complexe vont jusqu’à deux ans. Difficile d’imaginer qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise volonté manifeste destinée à préserver les parts de marché du nucléaire : une petite part des milliards d’euros consacrés aux futurs réacteurs EPR suffirait à financer le recours à une importante production d’électricité d’origine voltaïque. Mais EDF se cramponne à sa puissance et à son quasi-monopole. L’ouverture de la « concurrence » n’est en effet qu’un déguisement destiné à perpétuer la situation actuelle : les nouveaux distributeurs vendent essentiellement le courant électrique produit par EDF. Qui vient de faire semblant de ne pas trop augmenter le prix de son courant en élevant considérablement le coût de la plupart de ses abonnements. Sauf, évidemment, pour les gros consommateurs, particuliers comme industriels.
Contrairement au marché allemand, en pleine expansion, le marché français d’une électricité décentralisée dans sa production stagne. Comme stagnent le nombre des installateurs qualifiés, la production des cellules nécessaires pour équiper les maisons individuelles et les fermes. Le ministère de l’Écologie se contentant, de temps à autre, d’assurer la promotion de quelques installations exemplaires pour faire croire aux Français que le soleil devient un véritable recours. Alors que le Premier ministre multiplie les déclarations pour expliquer que les centrales nucléaires et les nouveaux réacteurs EPR représentent « une chance historique pour le France ».
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[^2]: Baromètre des énergies renouvelables publié en juin par la revue Systèmes solaires