Les petits nouveaux
Qui sont les jeunes recrues de l’Éducation nationale ? L’école de demain s’appuiera-t-elle sur de nouvelles pratiques ? Un essai tire la photo de classe des profs de dernière génération.
dans l’hebdo N° 1065 Acheter ce numéro
Comment changer l’école ? Par quel bout prendre le mammouth ? Et qui va s’en charger ? « Ils rejettent le cours magistral mais empruntent sans hésiter aux pédagogies alternatives. Ils se détournent du syndicalisme traditionnel mais se mobilisent ponctuellement sur des luttes bien concrètes. Ils votent majoritairement à gauche mais sont de moins en moins politisés… » C’est ainsi que Maryline Baumard, longtemps journaliste au Monde de l’éducation, présente les Nouveaux Profs, dans un petit essai sous-titré « L’école change, eux aussi » [^2]. Dans cette enquête où elle s’attache à « esquisser le profil de ceux qui dessinent l’école du troisième millénaire » , elle tente de dégager les piliers fondateurs d’une « nouvelle identité » et les règles sur lesquelles s’appuieraient les « nouvelles pratiques » . Il en ressort que la culture enseignante est toujours aussi prégnante chez les nouvelles recrues que chez leurs aînés : plus de 57 % ont un parent enseignant. L’amour de la discipline prime toujours sur l’amour du métier. Plus d’enfants de cadres choisissent cette profession, et plus de jeunes femmes issues de l’immigration. Une bonne part des nouveaux profs ont exercé d’autres métiers avant de passer les concours, et une autre bonne part partiront pour faire autre chose.
Au rayon des pratiques, rien de vraiment nouveau, mais des tendances fortes s’affirment, comme échanger les services, du fait, entre autres, du développement de l’interdisciplinarité et de la « bivalence ». La journaliste note aussi un net mouvement en faveur de l’attachement à son établissement, ce que l’autonomisation vient renforcer. « C’est cela aussi, le libéralisme éducatif » , commente-t-elle, en évoquant le système américain et l’identification à un fonctionnement et à une étiquette : on tient à son établissement parce qu’il fait partie des meilleurs du classement, qu’il est donc « bien doté » , que son proviseur est un bon « manager » qui « tient » ses équipes… Enfin, les nouveaux profs savent « penser numérique » . C’est-à-dire qu’ils ont dépassé le « choc culturel » entre les livres et l’ordinateur : « Un écran allumé en permanence dans la classe, et la géographie de la connaissance se métamorphose. Le savoir n’est plus l’apanage du maître, les élèves peuvent diversifier les sources… » Le prof devient « guide », « passeur », « blogueur » même. Il doit aussi affronter l’autorité que peut lui opposer le web, tantôt assistant, tantôt adversaire, mais incitation permanente à se repositionner.
[^2]: Les Nouveaux Profs, Maryline Baumard, Les petits matins, Arte éditions, 18 euros.