« Une finance carbone serait désastreuse pour la planète »
Alors que l’université d’été d’Attac vient de s’achever à Arles, Jean-Marie Harribey, son coprésident, explique que des alternatives au néolibéralisme sont possibles face la crise et à ses dégâts écologiques.
dans l’hebdo N° 1065 Acheter ce numéro
Politis : L’université d’été d’Attac s’est interrogée cette année sur le dépassement du capitalisme, alors que le gouvernement mise sur un redémarrage de celui-ci, avec ses polémiques comme les bonus aux traders. Quel a été le ton de l’université par rapport à cette situation ?
Jean-Marie Harribey : Cette interrogation sur le dépassement du capitalisme vient de la prise de conscience de la globalité de la crise à laquelle nous assistons. Cette crise a déferlé sur le monde au cours de la dernière décennie et connaît son paroxysme depuis deux ans. Nous analysons cette globalité comme la conjonction d’une crise de la reproduction du capital – donc une crise capitaliste structurelle, dont nous avons l’habitude dans l’histoire – et d’une crise du néolibéralisme en tant que période spécifique de ce système, qui est marqué par la volonté de tout soumettre à la marchandisation, à la loi de la rentabilité, au point que même la démocratie serait en danger.
Vous avez relevé d’autres aspects, notamment l’urgence climatique…
Cette double crise se triple d’une crise écologique majeure inédite, qui pose la question des modes de développement des sociétés humaines, qui ne peuvent plus continuer sur le mode productiviste. C’est donc la prise de conscience de la globalité de cette crise qui nous conduit à nous interroger fondamentalement sur la logique même du système à l’œuvre dans le monde entier. Et si l’université n’a pas l’ambition de définir la société de demain clé en main, elle a l’ambition d’amorcer une discussion sur les questionnements qui commencent à jaillir dans la société. On sait maintenant que le capitalisme n’a pas vocation à produire du bonheur pour l’humanité. Évidemment, les tenants du système ont compris quelles étaient l’ampleur et la gravité de cette crise. Eux-mêmes s’interrogent sur la manière qu’ils devraient adopter pour refonder leur propre système afin qu’il redevienne nommable. Ainsi, depuis l’effondrement du mur de Berlin, le mot « capitalisme » avait disparu du vocabulaire dominant. Or, le système redevient nommable au moment où il devient insupportable.
L’originalité de cette université, c’est aussi de proposer des alternatives…
C’est ce qui a structuré l’ensemble de notre université cette année. Nous avons poursuivi les questionnements sur la construction d’alternatives concrètes, et la construction de convergences et d’alliances. Nous avons amorcé une discussion qui se prolongera lors de notre prochaine assemblée générale en décembre pour impulser, développer et participer à un certain nombre d’expériences au cours desquelles, localement, on pourra mettre en œuvre des projets qui esquissent des formes d’organisation économiques et sociales différentes. Et cela dans le cadre des grandes échéances qui nous attendent pour le prochain trimestre.
Nous nous concentrerons sur un événement que nous considérons comme majeur, qui est la préparation du contre-sommet de Copenhague. Dans la capitale danoise, se tiendra du 7 au 18 décembre la rencontre de l’ONU chargée de donner une suite au protocole de Kyoto pour la gestion climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Attac France, avec le réseau des autres Attac et un grand nombre d’associations, de syndicats, etc., prépare une mobilisation internationale début décembre, que nous allons relier à d’autres réunions très importantes qui auront lieu les semaines précédentes.
Fin septembre, à Pittsburgh, aux États-Unis, une nouvelle réunion du G20 entendra vraisemblablement donner suite à l’absence de décision, si l’on peut dire, prise lors du G20 d’avril à Londres. Et, fin novembre, se déroulera la rencontre ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Genève. Celle-ci, consciente de la gravité de cette crise, se prépare à adopter des dispositifs qui, selon elle, permettraient de concilier à la fois l’instauration de taxes écologiques, par exemple les taxes carbone, avec le respect de la concurrence qui s’exerce sur les marchés de droit à polluer. Pour l’instant embryonnaire, cette finance carbone ne demande qu’à s’installer dans le paysage financier.
Ainsi, on a vu une bulle immobilière, auparavant une bulle Internet, et maintenant se profile le développement d’une finance carbone dont les risques pour l’ensemble de la planète seraient évidemment désastreux.