Ces pays pillards
Un rapport des Amis de la Terre s’alarme de la surconsommation de matières premières.
dans l’hebdo N° 1068 Acheter ce numéro
Forêts et végétaux, minerais et métaux, énergies fossiles, etc. : ce sont 60 milliards de tonnes de matières premières consommées chaque année, soit 50 % de plus qu’il y a trente ans. Pour certaines, comme le gaz, le nickel, les sables et graviers, la croissance est de 40 à 60 % sur la seule dernière décennie. C’est ce que révèle le rapport « Overconsumption ? Our use of the world’s natural ressources [^2] », publié pour le premier Forum mondial sur les ressources, qui s’est tenu en Suisse les 15 et 16 septembre, à l’initiative de chercheurs indépendants défendant une réduction radicale de la ponction des ressources.
Le fossé entre les continents est spectaculaire : dans les pays industrialisés, un habitant ponctionne en moyenne dix fois plus de ressources que dans un pays pauvre : 90 kg par jour pour un Nord-Américain, la moitié pour un Européen et seulement 10 kg pour un Africain.
Il ne s’agit plus de consommation « locale » depuis longtemps. Une part considérable de ces tonnages est extraite dans le Sud pour être exportée. Et l’Europe est en tête du classement mondial avec une balance importation-exportation positive de près de 8 kg par personne et par jour, alors que les pays du Sud sont exportateurs nets d’environ 2 kg par personne et par jour. Avec une pression grandissante : l’extraction de ces ressources, plus rares, plus difficiles à exploiter, fréquemment situées dans des zones protégées, ne génère pas que des impacts environnementaux. Elle « est souvent source de violations des droits humains et de conditions de travail dégradées », souligne le rapport.
Plus préoccupant peut-être : l’amélioration de l’efficience de l’économie n’y fait rien. En trente ans, la quantité de ressources nécessaires à l’augmentation d’un point de PNB a certes diminué de 30 %, mais la ponction totale n’a été ralentie en rien, dopée par la croissance de la consommation. Quelles seraient les conséquences d’un « laisser-faire » ? Réponse du rapport : en 2030, 100 milliards de tonnes de matières consommées par an, des tensions exacerbées, car nombre de ressources atteignent leur pic d’extraction, avec une concentration des derniers gisements dans un nombre restreint de pays. Et la compétition lésera encore plus qu’aujourd’hui les pays pauvres.
Or, des mesures décisives peuvent être prises à court terme dans les pays riches, soulignent les auteurs : augmenter le prix des ressources, récompenser les économies, accroître l’efficacité des procédés, recycler à outrance… Selon Friedrich Schmidt-Bleek, l’un des initiateurs du Forum mondial sur les ressources et directeur de l’institut Facteur 10, plus de 90 % des ressources naturelles, en moyenne, finissent en déchets avant que les biens ne parviennent sur le marché…
[^2]: Les Amis de la Terre Europe et Autriche, Sustainable Europe Research Institute (Seri, Vienne). Voir site