Drôle d’égalité hommes-femmes…
Le ministre du Travail, Xavier Darcos, a bouclé sa réforme des retraites des mères de famille du privé. Elle suit un mouvement général aggravant les inégalités subies par les femmes.
dans l’hebdo N° 1068 Acheter ce numéro
Le dossier de la réforme des retraites des mères de famille du privé est ficelé. L’empressement du gouvernement n’est pas seulement dû à l’arrêt de la Cour de cassation contestant le principe d’une majoration de durée d’assurance pour enfant (MDA) aux seules femmes, au nom de l’égalité hommes-femmes. Cette volonté de revoir ce système destiné aux femmes, pénalisées par des carrières plus courtes et des salaires moins élevés que ceux des hommes, s’inscrit dans un contexte d’économies drastiques.
Le gouvernement souhaite agir avant le « rendez-vous » de 2010, qui lancera une nouvelle réforme de l’ensemble du système des retraites par répartition. Il s’agit aussi de tuer dans l’œuf un mouvement naissant contre les inégalités, alors que se prépare, pour le 17 octobre, une manifestation pour les droits des femmes. Xavier Darcos a invoqué la jurisprudence de la Cour de cassation pour annoncer la réforme de ce dispositif dès le mois d’octobre, en l’inscrivant dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010.
Un scénario connu : le Premier ministre, François Fillon, a expliqué qu’il voulait s’inspirer de la réforme réalisée en 2003 pour les mères fonctionnaires qui ont vu leur MDA revue à la baisse (deux trimestres au lieu de quatre). Le gouvernement dispose aussi d’un boulevard pour ficeler un projet de texte avant le débat parlementaire prévu en octobre. Les partenaires sociaux ont validé le 10 septembre les propositions de la CFDT, de FO, de la CFE-CGC et du Medef, au cours d’un conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), très proches des intentions gouvernementales. La MDA serait ainsi scindée en deux parties (voir encadré) et remettrait en cause la majoration maximale actuelle de huit trimestres (deux ans).
« La proposition soumise au CA s’inscrit dans une logique ne satisfaisant pas à l’intérêt des mères de famille, puisque son application se traduirait par une dégradation de leurs droits. D’autre part, cette proposition ouvrirait la voie à de nombreux contentieux et conduirait à un changement de nature des MDA » , estime la CGT, qui a apporté son soutien à la manifestation du 17 octobre. La CFTC et plusieurs associations familiales sont aussi opposées à la division de la MDA et souhaitent la maintenir dans son intégralité en liant juridiquement cette compensation à l’accouchement au lieu de l’éducation des enfants.
Reste à savoir si le projet concocté au ministère du Travail tient la route juridiquement. Car la mise en cause des retraites des mères de famille va contre l’avis du Conseil constitutionnel d’août 2003, qui a « confirmé le bien-fondé de l’attribution de la MDA aux seules mères », a rappelé la CGT. « Supposons qu’avant la fin de cette année une loi supprime ces majorations accordées aux femmes. Cette loi pourrait être, devrait même être, contestée et condamnée pour discrimination à l’égard des femmes », ont écrit dans le Monde (du 11 septembre) Antoine Lyon-Caen, directeur d’études à l’EHESS, et Hélène Masse-Dessen, avocate au Conseil d’État et à la Cour de cassation.
Au-delà de cet aspect juridique, la réforme remet au premier plan des inégalités sociales qui touchent particulièrement les femmes. La retraite des mères de famille est un miroir grossissant des inégalités entre hommes et femmes. Dans son rapport préparatoire à la future « concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », Brigitte Gresy, de l’Inspection générale des affaires sociales, a dressé un constat édifiant. Selon ce rapport, l’activité féminine ne progresse plus depuis les années 1990, et les femmes sont surreprésentées parmi les emplois non qualifiés (60 %). Le taux de chômage des femmes est supérieur à celui des hommes, et la précarité est plus grande : en 2007, 31 % des femmes étaient à temps partiel pour un salaire mensuel moyen de 926 euros. Les deux tiers des salariés à bas revenus sont ainsi des femmes, ce qui se traduit par des droits à retraite de plus en plus réduits. Les précédentes réformes des retraites ont particulièrement pénalisé les femmes. Rien n’est fait pour inverser cette tendance.