La trêve de La Rochelle

En acceptant des primaires ouvertes, Martine Aubry a repris la main. Mais ses propositions contre la politique gouvernementale manquent encore d’audace.

Michel Soudais  • 3 septembre 2009 abonné·es
La trêve de La Rochelle

À la tribune, dimanche matin, Antoine Détourné avoue sa surprise. « On recommence à dire du bien de nous ! » La salle s’esclaffe. Comme le président des Jeunes Socialistes, la plupart des militants n’en reviennent pas, au moment de quitter La Rochelle, d’avoir enfin bonne presse. Ils craignaient que leur université d’été ne vire à la foire d’empoigne. Elle fut calme et studieuse. Conviviale aussi, insiste Martine Aubry pour s’en réjouir.
Cette trêve, après l’interminable guérilla du congrès de Reims, des élections européennes désastreuses, les échanges épistolaires aigres-doux de l’été et la cacophonie aoûtienne sur les primaires et les alliances, n’était pourtant pas l’hypothèse la plus vraisemblable. Elle n’aurait pas existé sans l’habileté tactique de la Première secrétaire.

Dès la séance d’ouverture, vendredi, après avoir déminé la veille dans une tribune du Monde la question des primaires, Martine Aubry a repris la main. Prenant de court ses détracteurs, elle s’est adressée aux militants en défiant les petits potentats : « On la veut cette rénovation ? Alors on va y aller ! Et on commence par le non-cumul des mandats. » Les militants applaudissent, les cumulards assis aux premiers rangs font grise mine. D’accord pour des « primaires ouvertes » pour « choisir le ­candidat socialiste » , la maire de Lille propose quatre chantiers de rénovation : limitation du cumul des mandats, parité dans toutes les instances du parti, garanties pour des « votes fiables » et une « charte éthique » afin de « garantir le civisme et la solidarité entre les socialistes » , histoire de faire cesser cacophonie et incartades. Une « consultation militante » le 1er octobre devra « fixer le cap » de cette rénovation qui se conclura par une convention nationale extraordinaire de modification des statuts en juin 2010.

Dans la foulée, sans exclure un possible rapprochement avec le MoDem, la Première secrétaire a interpellé directement ce « cher François Bayrou », pour lui poser deux questions. Va-t-il «  soutenir les candidats de la gauche aux élections régionales » et rompre avec ses alliances à la carte des municipales ? Est-il « prêt à rejoindre [les socialistes] sur un projet économique, social et écologique » ?

Ces questions évacuées (temporairement ?), l’université d’été a pu se dérouler sans anicroches entre séances plénières et ateliers. Une trentaine figurait au programme avec des thèmes variés – avenir des territoires, services publics, réforme du système financier, politique agricole, renforcement de la protection sociale, etc. –, l’objectif étant de nourrir le projet que les socialistes veulent présenter et mettre en débat dans le pays dès cette rentrée lors d’un « tour de France du projet ».
Outre des chercheurs, militants associatifs et syndicaux, invités à discuter avec les socialistes, la patronne du PS avait aussi tenu à donner la parole à des représentants du PCF, du PRG, du PRC et des Verts avec lesquels elle veut bâtir la « maison commune de la gauche ». Si, pour l’heure, cette perspective tient du rêve – on n’a jamais vu plus de deux partenaires sur une même tribune – ces visites et « l’hospitalité » affichée pour les idées des « amis et partenaires » avait pour but de montrer que le PS voyait toujours son avenir à gauche.

C’était aussi l’objet du discours de clôture. Ciblant la politique du chef de l’État, Martine Aubry a fait plusieurs propositions en faveur de la consommation (remboursement de 200 euros de TVA pour les 16 millions de ménages modestes non imposables, maintien des allocations familiales pour les enfants majeurs de plus de 20 ans…), prôné une contribution climat-énergie pour toutes les formes d’énergie en lieu et place de la taxe carbone, réclamé la « mise sous tutelle » des entreprises bénéficiaires qui « transfèrent leur activité à l’étranger » , annoncé une bataille européenne contre les bonus et un « grand combat » contre la réforme des collectivités locales et le redécoupage électoral… Un catalogue plus qu’une orientation.
Samedi matin, lors d’une table ronde consacrée à « l’invention d’un nouveau modèle après la crise » , Susan George, tout en admettant que le PS restait « le seul parti de gouvernement à gauche » , lui avait reproché de « manquer d’audace » , cause selon elle de sa « perte de crédit dans la gauche de gauche » . Auparavant, la présidente d’honneur d’Attac, qui s’exprimait entre Pierre Moscovici et Laurent Fabius, avait proposé de « nationaliser les banques » . Une audace chaudement applaudie par les militants, mais hors de la portée de leurs dirigeants.

Politique
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