« Un combat pour la paix par le droit »
Nouveau président de France-Palestine Solidarité, Jean-Claude Lefort définit ici les objectifs et les méthodes de l’association, qui veut évoluer pour gagner en audience.
dans l’hebdo N° 1069 Acheter ce numéro
Politis : Vous êtes président de France-Palestine Solidarité depuis mai dernier. Comment se porte l’association et, plus généralement, le mouvement de solidarité avec la Palestine en France ?
Jean-Claude Lefort : L’AFPS est la plus importante des associations de lutte et de solidarité avec le peuple palestinien. Sans prétendre à l’exemplarité, notre influence est toutefois liée à une série de facteurs qui nous sont propres : un réseau national de groupes et de militants actifs et très avertis ; une expertise incontestable et qui fait référence, avec des compétences diverses et nombreuses sur la base d’une ligne d’action qui n’est ni fluctuante ni masquée, mais lisible et crédible, et appuyée sur le droit international. Nous sommes sans ambiguïtés pour la paix par le droit, autrement dit pour la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, et pour une claire affirmation du droit au retour. Avec la libération des prisonniers, ce sont les paramètres qui peuvent permettre la paix au Proche-Orient et la coexistence dans la sécurité de deux États.
Notre association est donc très sérieuse et solide. Elle gagne en adhérents, mais elle doit aussi évoluer afin de gagner en audience, notamment parmi la jeunesse. Sur la base de l’acquis, nous devons réussir un nouveau départ et trouver une nouvelle jeunesse. Nous y travaillons activement. Nous avons évidemment des relations fécondes avec d’autres. Nous militons au sein du Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens – lequel doit, selon moi, prendre une plus grande place –, ainsi qu’au sein de la Plateforme pour la Palestine. Nous ne sommes fermés à rien, mais nous voulons nous inscrire dans une démarche de large rassemblement et d’union, et non pas en marge, dans une sorte de « pôle » d’avant-garde éclairée. Cela ne mènerait à rien d’autre qu’à l’isolement et à générer des attitudes contraires à la cause que nous défendons. La question qui nous occupe a besoin du nombre et non de la supposée radicalité de quelques-uns. Est « radical » celui qui rassemble sur une base claire et non celui qui harangue ses vérités contre les autres.
Comment en êtes-vous venu à cet engagement ?
J’ai été député pendant dix-neuf ans avant d’être élu président de l’AFPS. Et, pendant quatorze ans, j’ai été membre de la Commission des Affaires étrangères. La question du conflit du Proche-Orient m’est vite apparue comme centrale pour la stabilité internationale et l’avenir de la planète, en plus de l’injustice insupportable vécue sur place. Je dois dire que, à part quelques moments d’exception, nos dirigeants – de toute tendance – ont fait preuve d’une telle passivité que leur responsabilité est lourde dans la situation actuelle au bord du précipice. Le droit international est très clair, et la Charte des Nations unies tout autant. Mais ils n’ont rien fait. Combien de fois ne m’ont-ils pas dit : « Vous êtes dans l’erreur, laissez-nous faire. Nous, on sait. » Je constate qu’il n’y a toujours pas d’État palestinien. S’ils étaient sincères, admettons-le un instant, alors c’est un très lourd échec pour eux. Mais ils continuent à ne rien faire. Ils savent, eux, vous comprenez ? Quel mépris pour les réalités ! Alors, sous une autre forme et à un autre endroit, je continue ce combat pour la paix par le droit, combat qui m’apparaît vital.
Quels sont les grands axes de mobilisation que vous souhaitez développer ?
Une des clés pour mettre un terme à la situation au Proche-Orient réside dans la fin de l’impunité dont bénéficie l’État d’Israël. Il faut donc un fort mouvement citoyen français, mais aussi européen et international, pour demander des sanctions. Le rapport de l’ONU sur Gaza est terrifiant et accusateur. C’est un élément majeur qui ne peut qu’accentuer notre engagement total dans la campagne que l’on appelle « Boycott, désinvestissement, sanctions » (BDS). Précisons – car on entretient parfois le flou sur ce point – que cette campagne ne vise pas à nier l’existence d’un État israélien. Elle vise à mettre un terme aux politiques d’occupation, de colonisation, et à toutes les formes d’apartheid abjectes qui en découlent. Je dois souligner que des succès commencent à se manifester. Les dirigeants israéliens n’ont pas encore tout vu. Puisque le droit international et européen est inappliqué, nous l’appliquerons ! La campagne BDS, c’est le droit mis en action par les citoyens !
Vous avez été très actif dans l’affaire Salah Hamouri, ce jeune Franco-Palestinien emprisonné en Israël sans raison sérieuse. Où en est-on ?
Salah Hamouri, dont le combat a été relayé dans Politis , est le seul Français sur la planète en prison depuis plus de quatre ans pour des raisons politiques. Condamné à sept ans de détention, sur la base d’un dossier vide, pour l’unique raison qu’il refuse l’occupation. C’est plus que son droit, c’est son honneur ! Israël retient plus de 10 000 prisonniers palestiniens dans ses geôles. Pas moins de 750 000 sont allés ou sont en prison depuis 1967. Rapporté à la France, cela ferait 20 millions ! C’est incroyable, mais on ne parle que de Gilad Shalit, qui est le seul soldat israélien kidnappé. Pour Salah, qui n’est « que » français, rien n’est entrepris au niveau de Nicolas Sarkozy, qui admet les vues de la « force occupante » et ne demande pas sa libération pure et simple. De même, il se refuse à recevoir personnellement la famille. C’est « oui » pour Ingrid, Florence, « l’Arche de Zoé », les infirmières bulgares, Clotilde, etc. C’est « non » pour Salah. Un insupportable « deux poids, deux mesures » qui en dit long sur la politique française aujourd’hui dans la région. Mais ce n’est pas fini. Le Comité de soutien regroupe des représentants de toutes les forces politiques françaises. Si Nicolas Sarkozy est devenu autiste, nous allons le soigner… Croyez-moi !