Ambiance

Denis Sieffert  • 15 octobre 2009 abonné·es

Le sort des immigrés tend à devenir le problème de toute une société. Par cercles concentriques, nous sommes peu à peu placés devant des responsabilités nouvelles, quand ce n’est pas tout simplement face à notre conscience. Il y a ceux que leur profession ou leur charge placent en première ligne. Pour résister à la pression de la politique gouvernementale, ceux-là doivent témoigner d’un courage particulier.
C’est évidemment le cas des juges. Il faut saluer à cet égard l’engagement d’Évelyne Sire-Marin et de plusieurs de ses collègues. On comprend en lisant le texte qu’elle nous propose ici qu’il est aujourd’hui infiniment plus facile dans sa position d’aller dans le sens de la répression que dans celui de la justice et de l’humanité. Il faut aussi, bien sûr, rendre hommage aux associations, de la Cimade au Réseau éducation sans frontières, et quelques autres. Leurs militants ont fait le choix de l’engagement personnel. Comme, de façon plus circonstanciée, ces habitants de Calais et de Sangatte, qui répondent à l’appel de leur conscience au risque d’être traités comme des criminels.

Mais il y a aussi tous les citoyens qui, au gré de l’exercice de leur métier, se trouvent d’un coup confrontés à des choix dramatiques. La moindre calamité produite par le sarkozysme ambiant n’est pas d’avoir incité, souvent sous la menace, des femmes et des hommes à se faire les complices d’une politique détestable. Des entreprises sont placées dans cette situation. On pense à Air France. Un quart des procédures dites « d’éloignement » passent par les lignes régulières (1). Contrairement à Lufthansa et à Air Canada, dont les directions ont refusé de transporter des êtres humains menottés et baillonnés, Air France n’y rechigne pas, plaçant équipages et passagers devant des choix douloureux. Et voilà maintenant que des employés de banques, BNP Paribas ou la Société générale, piègent des sans-papiers dans leurs locaux et appellent la police. On imagine que, silencieusement, certains de leurs collègues ont fait le choix inverse. Entre ceux qui résistent et ceux qui collaborent, se dessine une ligne de fracture profonde. Et cela fait une société qui se délite. Le désastre de cette politique est aussi moral.

(1) Voir Cette France-là, La Découverte, 2009.

Publié dans le dossier
Sans-papiers, un juge témoigne
Temps de lecture : 2 minutes