De Dumayet à Beigbeder

Une histoire des émissions littéraires
sur le petit écran.
Le sujet est intéressant, mais le documentaire quelconque.

Jean-Claude Renard  • 15 octobre 2009 abonné·es

Affaire entendue. Les écrivains occupent l’espace du petit écran. Au commencement était la radio-télévision française. À côté de l’information, du sport, elle glisse dans ses programmes une émission littéraire. Nouvel espace, nouvel enjeu pour les écrivains. Avec « Lecture pour tous », le téléspectateur découvre Céline, interviewé par Pierre Dumayet. Avec Pierre Desgraupes, il invente un genre : une table, deux chaises, des questions claires et (à peine) le temps d’y répondre. Temps de parole en télévision oblige. Sagan et Mauriac se prêteront aussi au dispositif. Reste que Dumayet et Desgraupes portent réellement le goût de lire. Plus tard vont se succéder Claude Santelli, Michel Polac, Bernard Pivot, Bernard Rapp, Patrick Poivre d’Arvor, Guillaume Durand… Entrelardé d’interventions des « acteurs » essentiels de ces plateaux télé (Michel Polac, Bernard Pivot, PPDA, Frédéric Ferney) commentant leurs propres images, nourri de brèves archives montées à saute-mouton, le documentaire de Bernard Faroux a peu d’intérêt dans ce qu’il montre et dit. Mais davantage dans ce qu’il évoque (quand bien même en sous-titre s’affiche ambitieusement « une histoire de la littérature à la télévision » ).

À l’orée des années 1950, la France compte très peu de téléviseurs dans les foyers. Mais, d’emblée, elle inscrit la littérature dans ses programmes. Pierre Dumayet donc, affichant discrètement son embonpoint de profil, avec Duras en bout de table. Avec « Apostrophes », entre 1975 et 1990, virant en grand-messe de la littérature, Bernard Pivot devient un médiateur plus célèbre que ses invités. Pivot, capable de recevoir Jankélévitch, Soljenitsyne, Modiano, Jouhandeau, Hagège ou encore Georges Lubin, arc-bouté sur la correspondance de Sand pendant soixante ans. Mais Pivot laissant aussi gagner le spectaculaire, de Vincenot à Angot, en passant par Bukowski. Il est un élément essentiel de cette relation entre écrivains et télévision, du glissement progressif du centre d’intérêt : l’auteur plutôt que son œuvre. À la suite, ce seront les animateurs qui auront la part belle des émissions littéraires, drainant avec eux la déchéance de l’interview. Peu importe, pour l’auteur et les éditeurs, la présence sur un plateau restant un accélérateur de ventes. Et, assurément, la question littéraire s’est effacée au profit du spectaculaire. Frédéric Beigbeder organisant ainsi un plateau d’auteurs totalement nus, ou Daniel Picouly orchestrant une querelle entre Pierre Assouline et François Bégaudeau. Beaucoup de bruit pour rien.

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