« Le PS se réancre à gauche »
Benoît Hamon, figure de proue de la gauche du PS, ne croit pas à l’existence de deux gauches irréconciliables.
dans l’hebdo N° 1070 Acheter ce numéro
Politis : Quelle démonstration avez-vous voulu faire avec cette université de rentrée ?
Benoît Hamon | D’abord une démonstration de force d’un courant jeune, vivant, nombreux. Et ensuite la démonstration que nous ne croyons pas à l’existence de deux gauches irréconciliables sur le plan programmatique. Que la gauche soit diverse, que les traditions ne soient pas les mêmes, c’est incontestable. Mais prétendre qu’elles sont irréconciliables sur le plan programmatique, c’est de fait accepter la défaite électorale et politique. La table ronde avec des représentants du NPA, de la Gauche unitaire, du PCF, des Verts, du PS et du MRC a montré que, sur la redistribution, il n’y a absolument rien d’insurmontable. Et cette démonstration a été au-delà des espérances de tous ceux qui étaient autour de la tribune.
Pourquoi n’avoir pas invité le Parti de gauche ?
Il y avait déjà deux partis du Front de gauche. En même temps, avec le Parti de gauche, on se connaît bien puisque Jean-Luc Mélenchon était dans notre courant.
Était surtout absente « la droite du PS », qui a un poids important dans votre parti…
Croire qu’elle a donné le la du discours de la Première secrétaire à La Rochelle, sur les questions des salaires, de la mise sous tutelle des entreprises qui dégagent des bénéfices et licencient, des services publics ou des retraites, est une analyse erronée. S’agissant des alliances, s’il n’y avait pas eu effectivement de notre part et de quelques autres une mise en garde sur la question du MoDem, il aurait pu y avoir des initiatives dans des régions qui auraient mis en danger l’équilibre et l’unité du PS. Ce n’est pas le cas pour l’instant. Je me refuse à croire que c’est l’aile droite du PS qui aujourd’hui influence la ligne de la direction du Parti.
Elle pèse pourtant en s’exprimant, et alimente ainsi le refus de tout accord avec le PS.
Ce n’est pas parce qu’un François Rebsamen ou un Vincent Peillon sont pour l’alliance avec le MoDem qu’il faut oublier que toute la direction du PS s’est rendue place du Colonel-Fabien pour initier avec la secrétaire nationale du PCF un processus d’élaboration de convergences politiques qui inclut tous les partis de gauche. Moi, je retiens les faits qui sont le produit de décisions des partis politiques. Les individus, tout aussi médiatiques soient-ils, ne doivent pas faire oublier que c’est une minorité qui discute avec le centre-droit. Et même une minorité d’une minorité, puisque c’est un pan du courant de Ségolène Royal.
Si des accords sont néanmoins conclus avec le MoDem aux régionales, quelle sera votre réaction ?
J’ai dit clairement être contre une telle alliance parce qu’elle est inefficace électoralement et nous conduit à des défaites assurées en raison de la confusion qu’elle crée dans l’électorat. Les partis de gauche qui vont se rassembler au premier tour ou le feront au second devront composer avec l’existence du MoDem. Là où le MoDem appelle à voter pour nous, très bien. Mais je milite pour des exécutifs et des majorités de gauche, et seulement de gauche.
Quels sont la place et le rôle de votre courant au sein du PS, au vu grand écart entre votre discours et les orientations majoritaires du PS ?
Encore une fois, ce n’est pas vrai : j’ai proposé de rétablir l’autorisation administrative de licenciement ; sept mois plus tard, la Première secrétaire propose la mise sous tutelle des entreprises qui font du profit et licencient… Aujourd’hui, le porte-parole du PS n’est pas si souvent en désaccord avec la direction du parti. Quand j’ai des désaccords, je les signale. Mais je ne pense pas qu’on puisse dire, contrairement à ce qu’ont raconté ceux qui nous ont un peu prématurément quittés, que la ligne du PS s’est déportée sur la droite. L’agitation de la minorité de droite du PS procède justement du fait que le PS se réancre à gauche, sinon il n’y aurait pas toute cette agitation, et ce serait la Première secrétaire en personne qui serait à l’origine des démarches en direction de François Bayrou.