Les Juifs pour la paix dînent à Lyon

L’UJFP organise samedi à Lyon son premier « dîner » avec de nombreux élus. Une façon de faire entendre une voix juive pour la paix et de contester le monopole du Crif.

Denis Sieffert  • 1 octobre 2009 abonnés
Les Juifs pour la paix dînent à Lyon
© Union juive française pour la paix, 21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris.

L’Union juive française pour la paix accueille samedi 2 octobre près de quatre-vingts élus régionaux et nationaux pour un dîner-débat à Lyon. Sujet principal : la situation au Proche-Orient et ses conséquences dans notre société. C’est une première pour cette association créée en avril 1994, qui entend ainsi contester fortement le monopole médiatique du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Celui-ci, né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à l’origine pour apporter une aide économique et sociale aux familles des victimes juives de la guerre, est devenu depuis, peu à peu, une seconde ambassade d’Israël, souvent plus véhémente que l’officielle. Cette attitude d’inconditionnalité s’est aggravée, notamment depuis l’échec de Camp David, en juillet 2000, et le début de la deuxième Intifada, en octobre 2001. Ses dirigeants sont devenus les Torquemada d’un antisémitisme qu’ils voient partout et dont ils accusent quiconque émet une critique contre la politique israélienne. Une évolution d’ailleurs sévèrement critiquée par l’un de ses anciens présidents, Théo Klein, homme d’intelligence et de paix, qui a quitté la présidence en 1989.

La prétention du Crif à monopoliser la parole publique des Juifs de France a conduit l’UJFP à multiplier les initiatives. « C’est cela qui nous motive, souligne Michèle Sibony, ancienne présidente de l’UJFP, car nous ne sommes pas communautaristes. Dans la République, il ne devrait pas y avoir de dîners ­communautaires. Nous sommes hélas contraints d’agir ainsi pour nous faire entendre et pour faire savoir que tous les Juifs ne se reconnaissent pas dans le discours du Crif. » Cette jeune organisation, quoique toujours minoritaire, a conquis au cours des dernières années une réelle audience. Elle est en pointe parmi les organisations du judaïsme laïque [^2]. Et sa voix peut être parfois celle de l’indignation et de la colère. En février dernier, au lendemain des crimes commis par l’armée israélienne à Gaza, l’UJFP adressait au président du Crif, Richard Prasquier, un ­courrier dans lequel elle reprochait à son aînée d’avoir « applaudi et encouragé les crimes de l’armée israélienne écrasant sous les bombes la population […], réduisant en tas de gravats ses maisons, dévastant ses cultures, prenant pour cible les écoles, les mosquées, les hôpitaux, les ambulances et même un cimetière ». « Dès lors, poursuivait l’UJFP à l’adresse du Crif, v ous vous êtes placés dans le camp des tenants de l’apartheid, des oppresseurs et des nouveaux barbares. »
Et les auteurs de la lettre concluaient : «  Vous nous avez outragés et salis en assimilant tous les Juifs à des supporters d’une bande de criminels de guerre comme vous avez déshonoré la mémoire de Rachi, d’Edmond Fleg, d’Emmanuel Lévinas et de tant d’autres, enfin de tout ce que le judaïsme français comportait de richesse humaine, d’intelligence et de lumière. »

Aujourd’hui, l’UJFP organise son propre dîner, sur le modèle du dîner annuel du Crif, devenu une institution où se côtoient ministres et responsables politiques. Ironie du sort, c’est Théo Klein qui avait eu le premier l’idée de cette manifestation, en 1987, alors qu’il présidait aux destinées d’un Crif qui n’était pas encore inféodé aux gouvernements israéliens quels qu’ils soient, et quelle que soit leur politique.
À noter aussi que l’UJFP publie depuis deux ans une revue de grande qualité, De l’autre côté, éditée par La Fabrique, et dont le rédacteur en chef est Frank Eskenazi. La livraison n° 5, de cet automne 2009, est principalement consacrée à Gaza, avec notamment des contributions du journaliste israélien Gideon Levy, du cinéaste Eyal Sivan et de Michel Warschawski. Il contient aussi un dossier sur l’islam au féminin et un entretien avec la sociologue américaine Judith Butler. En exergue, les auteurs ont fait figurer cette phrase de cette dernière : « Aimer les Juifs ou les haïr, c’est s’engager exactement dans la même opération suspecte. » Des mots empreints d’une grande sagesse qui pourraient presque servir de devise à l’UJFP.

[^2]: Il faut aussi souligner l’existence d’Une autre voix juive (UAVJ), qui rassemble les signataires d’un manifeste paru dans le Monde, le 7 avril 2003, à l’initiative du mathématicien Olivier Geburher et du physicien Pascal Lederer.

Société
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

Les personnes LGBT+, premières victimes de violences sexuelles
Étude 21 novembre 2024 abonnés

Les personnes LGBT+, premières victimes de violences sexuelles

Une enquête de l’Inserm montre que de plus en plus de personnes s’éloignent de la norme hétérosexuelle, mais que les personnes LGBT+ sont surexposées aux violences sexuelles et que la transidentité est mal acceptée socialement.
Par Thomas Lefèvre
La santé, c’est (avant tout) celle des hommes !
Santé 21 novembre 2024 abonnés

La santé, c’est (avant tout) celle des hommes !

Les stéréotypes sexistes, encore profondément ancrés dans la recherche et la pratique médicales, entraînent de mauvaises prises en charge et des retards de diagnostic. Les spécificités féminines sont trop souvent ignorées dans les essais cliniques, et les symptômes douloureux banalisés.
Par Thomas Lefèvre
La Confédération paysanne, au four et au moulin
Syndicat 19 novembre 2024 abonnés

La Confédération paysanne, au four et au moulin

L’appel à la mobilisation nationale du 18 novembre lancé par la FNSEA contre le traité UE/Mercosur laisse l’impression d’une unité syndicale, qui n’est que de façade. La Confédération paysanne tente de tirer son épingle du jeu, par ses positionnements et ses actions.
Par Vanina Delmas
À Toulouse, une véritable « chasse à la pute »
Prostitution 18 novembre 2024 abonnés

À Toulouse, une véritable « chasse à la pute »

Dans la Ville rose, les arrêtés municipaux anti-prostitution ont renforcé la précarité des travailleuses du sexe, qui subissent déjà la crise économique. Elles racontent leur quotidien, soumis à la traque des policiers et aux amendes à répétition.
Par Pauline Migevant