Que faire après Gaza ?

Les auteurs du manifeste Une autre voix juive tirent, eux aussi, le bilan des crimes d’Israël fin 2008 et début 2009.

Politis  • 1 octobre 2009 abonné·es

Neuf mois après la fin de l’attaque brutale sur Gaza et après l’élection en Israël d’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire de ce pays, les perspectives d’une paix juste et du­rable entre Israéliens et Palestiniens semblent plus éloignées que jamais. Du coup, dans certains cercles pro-palestiniens, on entend s’exprimer les thèses selon lesquelles « le temps de la négociation [entre Israël et l’OLP] est dépassé » ou bien que la perspective « deux peuples deux États » devrait être abandonnée. L’idée d’une société fraternelle ou Juifs et Arabes jouiraient des mêmes droits est généreuse. Elle ne correspond pas, aujourd’hui, à une réalité politique. Chacun des deux peuples exprime majoritairement une aspiration à avoir son État. L’État d’Israël existe ; la discussion sur ses origines a un sens mais ne saurait délégitimer ce qui résulte d’un choix très majoritaire des Nations unies. La question est précisément, et conformément à toutes les résolutions de l’ONU, d’imposer la création d’un État palestinien ­viable, avec Jérusalem-Est comme capitale, après évacuation des colonies de Cisjordanie, et solution négociée et juste du problème des réfugiés.
De même, déplacer le terrain de lutte pour une paix juste et durable sur celui de l’antisionisme serait une autre erreur. L’ambiguïté de cette terminologie, qui permet à des personnages médiatiques notoirement antisémites et négationnistes de s’en prévaloir en se déclarant pro-palestiniens, suffit à la disqualifier.

Alors, après Gaza, que faire ? Une proposition est de soutenir toutes les formes d’opposition non-violente à l’occupation, comme les actions coordonnées menées à Bil’in contre le mur par des Palestiniens et des Israéliens. Une autre voix juive (UAVJ) soutient cette idée. Une autre proposition utile est de faire campagne pour des formes de sanctions qui seraient en vigueur tant qu’Israël ne s’engagerait pas concrètement dans la voie de la reconnaissance des droits nationaux palestiniens. Ces actions sont de trois types : campagne pour la suspension des accords ­d’association UE/Israël ; campagne contre les investissements étrangers en Israël qui contribuent à la colonisation, comme la construction ou l’exploitation du tramway reliant des colonies à Israël ; campagne contre la commercialisation en France de produits israéliens provenant des territoires occupés. La question de leur traçabilité est cruciale. L’Union européenne l’a exigée. Israël doit l’assurer.

Cette campagne, dite de BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), actuellement en cours de discussion au sein du Collectif national pour une paix juste et durable entre Israéliens et Palestiniens, aurait de bonnes chances d’avoir le soutien d’un grand nombre de démocrates en France. Mais, pour cela, elle doit éviter les perversions dont souffrent certaines de ses variantes au niveau international. Ainsi, un document émis par « Stop The Wall », qui coordonne la campagne BDS à l’échelle internationale, énonce que « la campagne de BDS ne cible pas seulement l’économie israélienne, mais elle remet en cause la légitimité d’Israël, en tant qu’État colonial et d’apartheid, dans le cadre de la communauté internationale. Par conséquent, des efforts sont nécessaires non seulement pour promouvoir le boycott des consommateurs, mais aussi les boycotts dans les domaines universitaires, culturels et sportifs ». Une telle orientation serait un grave danger pour les forces progressistes françaises et israéliennes, qu’elle isolerait. Elle pourrait aisément être endossée par des mouvements antisémites, et ainsi contribuerait à creuser, en France, le fossé entre populations de culture juive et de culture musulmane. Alimenter l’idée d’une punition collective du peuple israélien, de surcroît trop souvent identifié à un hypothétique « peuple juif », aurait des résonances et des conséquences dont il est inutile de souligner la gravité.

Une autre voix juive, avec les quelque 1 100 signatures de son manifeste, réaffirmé obstinément depuis 2003, a fait la démonstration de l’existence en France, parmi les Français juifs, d’un fort courant qui dénie au Crif et à Israël le droit de parler en leur nom, et qui proclame la légitimité des droits nationaux palestiniens, adossés aux résolutions de l’ONU. Maintenir et renforcer ce courant parmi nos compatriotes juifs est un objectif dont l’importance, pour toutes sortes de raisons liées à l’histoire, dépasse largement la faiblesse numérique de la population concernée. UAVJ est prête à soutenir une campagne ciblée explicitement contre l’occupation et les colonies, et appuyant les efforts conjoints des forces de paix en Palestine et en Israël. Elle aura l’approbation de l’opinion publique.
Dans la lutte que mènent les forces démocratiques pour aboutir à une paix juste et durable au Proche-Orient, il faut savoir maintenir le cap, quelles que soient les embûches, et déjouer les provocations, d’où qu’elles viennent.

Société
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