Vertement tancés
dans l’hebdo N° 1074 Acheter ce numéro
La prolifération d’algues vertes qui souillent les plages et émettent des gaz mortels, c’est la faute de l’agriculture bretonne ; pour faire régresser le phénomène, il faudrait un changement profond de ses pratiques, ce qu’elle n’est pas prête à accepter ; il faut donc se résigner à voir perdurer cette pollution… Voilà, dans une langue verte peu diplomatique, les conclusions partielles d’une note confidentielle révélée la semaine dernière par le Télégramme et Ouest-France (1), dont l’auteur est le préfet des Côtes-d’Armor, le département le plus touché par ces « marées vertes » estivales. En juillet, elles ont provoqué sur une plage le décès d’un cheval et le malaise de son cavalier, et peut-être la mort d’un manutentionnaire chargé de la mise en décharge des tas d’algues.
Les écologistes bretons relèvent avec satisfaction ce revirement du représentant de l’État, qui endosse un large pan des critiques qu’elles émettent depuis des années : l’agriculture bretonne déverse dans la nature des excès considérables de nitrates et de phosphates, parfaits « engrais » pour ces algues. Toutefois, « il nous semble extraordinaire que le préfet passe sous silence le rôle de la politique agricole nationale ! s’élève Gilles Huet, délégué général de l’association Eaux et rivières de Bretagne. L’État verse chaque année 600 millions d’euros à la région pour le soutien de cette agriculture très intensive ».
La note souligne cependant la carence des pouvoirs publics dans le contrôle de la qualité de l’eau : le préfet reconnaît l’inadaptation et l’inefficacité des mesures et plans adoptés jusque-là, mais aussi l’insuffisance des contrôles (qui incombent à l’État). « La mise en œuvre de ces mesures a permis, au mieux, une stabilisation des taux de nitrate présents dans les rivières, sans obtenir un résultat visible de diminution du phénomène de marées vertes », juge-t-il. Mais, face à de tels constats, aucune proposition pour faire évoluer cette agriculture en faute. « Tout se passe comme si le préfet ignorait que des Grenelle de l’environnement et de la mer ont eu lieu, c’est surréaliste », s’étonne Gilles Huet.
Pour d’éventuelles audaces, il faudra attendre mi-décembre et le rapport de la mission interministérielle « algues vertes » lancée fin août par le Premier ministre. Pour l’heure, la note du préfet tente de conjurer une autre urgence : le 3 novembre, la justice examinera l’appel de l’État contre une décision du tribunal de Rennes, qui l’a reconnu fautif de n’avoir pas appliqué les réglementations européennes et nationales anti-nitrates, avec pour conséquence directe… le développement de marées vertes.