La fin d’un mythe ?

Le 28 novembre, les Français, dont la consommation ralentit, sont invités à ne rien acheter.

Patrick Piro  • 26 novembre 2009 abonné·es

Comme tous les ans depuis une décennie, le dernier samedi de novembre – le 28 cette année – est consacré en France « journée sans achat ». Et, dans des dizaines de pays dans le monde, on respectera un « International Buy Nothing Day » : pendant une journée, ne rien acheter. Et, pendant qu’on y est, pause sur l’électricité, la voiture et toutes les consommations d’énergie.

Au Canada, où est née l’initiative en 1992, et dans toute l’Amérique du Nord, c’est le quatrième vendredi de novembre (le 27 cette année), lendemain de la fête Thanksgiving, choisi par les magasins pour lancer une vaste opération de soldes avant Noël. L’an dernier, ce « black friday », comme il a été baptisé, a vu la mort d’un employé de Wal-Mart dans l’État de New York, écrasé par une foule de 2 000 personnes hystériques alors qu’il ouvrait les portes du magasin.
La crise économique accentue l’anxiété des consommateurs, et l’attrait des promotions. Cependant, les spécialistes de la consommation – distributeurs, publicistes, responsables mercatiques, etc. –, détectent depuis des mois une évolution de fond. « Dégradation du vécu des courses, de la relation aux marques, de l’appréciation de la publicité » : l’institut TNS Sofres révèle qu’en 2009 deux Français sur trois « ne jouent pas le jeu du modèle consommatoire » [^2]]. Consommer n’est plus une fin, une distance s’est établie. Et si le phénomène s’est certes amplifié en 2008 avec la crise économique – on le décrit comme un moyen de s’y adapter –, il n’est cependant pas né à cette occasion. L’envie de consommer est même assez bien perçue par le public comme une des causes de la crise, notamment sur son versant écologique. Et, s’étonnent les auteurs de l’étude, cette « panne de conso » n’est pas en lien direct avec des baisses de pouvoir d’achat. Un récent sondage Ifop [^3] indique ainsi que 27 % des Français se disent « prêts à changer en profondeur leur mode de vie et à restreindre leur consommation de manière significative » (et « à des efforts limités » pour 53 %).

Il est trop tôt pour conclure à une prise de conscience collective durable, mais, relève le politologue Paul Ariès [^4], l’un des penseurs du mouvement de la décroissance, « le tout-conso a pris un peu de plomb dans l’aile. Il n’y a plus de honte à se refuser comme consommateur, comme on le voit par exemple avec l’essor du “Mouvement pour une rentrée sans marques”. C’est le début de la fin du mythe de l’abondance ».

[^2]: www.ecoplan.org/ibnd/ib_index.htm ; www.tns-sofres.com/points-de-vue, voir 22-10-09 (étude et vidéo)

[^3]: www.ifop.fr, 12-10-09, suite au film « Titanic » de Nicolas Hulot.

[^4]: Directeur du bimestriel le Sarkophage et auteur d’Apprendre à faire le vide, éd. Milan.

Écologie
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