La forte promesse de Barghouti
Les éditions Arcane 17 publient les écrits de prison du plus célèbre détenu palestinien. Passionnant et tonique.
dans l’hebdo N° 1075 Acheter ce numéro
Depuis sept ans, Marwan Barghouti est détenu dans une prison de haute sécurité israélienne. À lui seul, il porte le débat apparemment non résolu sur les mots : « terroriste » pour les uns, « résistant » pour les autres. La lecture de ses écrits de prison publiés par la jeune maison d’éditions Arcane 17 permet assez vite au lecteur de se faire une opinion sur le genre d’homme qu’il est. Sûrement pas le « terroriste » assoiffé de sang, partisan d’une violence aveugle, qu’un tribunal militaire israélien a condamné à la prison à vie. Il ne se réduit pas non plus à l’image d’homme de terrain, dirigeant de l’Intifada en Cisjordanie, que ses partisans et les médias ont dessinée. Page après page, c’est un politique clairvoyant qui apparaît, parfois critique pour ses plus proches amis du Fatah, son mouvement. Un rassembleur et un démocrate. Il faut lire ou relire sa plaidoirie devant ce tribunal qui l’avait condamné avant de l’avoir entendu. Barghouti y retrace toute l’histoire du conflit. Il propose une lecture lucide et argumentée des événements, et ne réécrit pas l’histoire, même quand celle-ci ne lui a pas donné raison : ses rêves et ses illusions au moment d’Oslo témoignent de la psychologie de tout un peuple dont il est issu, et dont il ne s’éloigne jamais ni par les espérances ni par les désillusions.
Marwan Barghouti démonte la mécanique du discours israélien, cette fable de la « confiance » qu’il faudrait établir entre les deux peuples, qui justifie toutes les lenteurs et tous les retards dans l’application des accords. Pour lui, le processus de paix « prend fin lorsqu’un extrémiste israélien assassine Yitzhak Rabin ». Il juge avec lucidité le bilan désastreux du travailliste Ehud Barak, qui ne réalise « aucun retrait d’un quelconque village palestinien » alors qu’il est au pouvoir (1999-2001), et détruit idéologiquement la gauche israélienne. Mais les écrits les plus forts sont peut-être ceux qui s’adressent aux forces politiques palestiniennes. On lira avec passion le fameux « document des prisonniers » (mai 2006) appelant les factions palestiniennes à l’unité, l’appel « à la fin des combats fratricides » entre le Fatah et le Hamas, en mai et juin 2007. Barghouti n’épargne jamais le Fatah, dont il pointe aussi les écrasantes responsabilités. Puis, en guise de conclusion, la récente adresse au 6e congrès du Fatah. On y découvre un homme inscrit dans la modernité, critiquant les médias palestiniens et leur mode de communication, notamment en direction de l’opinion internationale. On y voit surtout un démocrate sans concession. Et on se dit que le seul fait qu’Israël refuse de libérer cet homme est déjà un aveu. L’aveu qu’Israël préfère les plus radicaux du Hamas et du Jihad à l’adversité politique d’un homme qui invoque le droit et la démocratie, et reste fidèle à sa promesse « de lever la bannière de la résistance jusqu’à la fin de l’occupation ».