Le messager de l’Élysée

Nicolas Sarkozy a relayé auprès du président syrien les propositions de Netanyahou.

Richard Labévière  • 19 novembre 2009 abonné·es

Pour la deuxième fois en quinze mois, le président syrien Bachar al-Assad s’est rendu à Paris, vendredi dernier. Tournant la mauvaise page chiraquienne d’un gel de la relation franco-syrienne de cinq années successives, les deux présidents se sont, selon le langage diplomatique usuel, « félicités de la confiance retrouvée entre les deux pays ». Très salutaire, cette reconstruction demeure toutefois asymétrique : à l’agenda syrien parfaitement structuré, correspond une vision française partielle, précipitée et brouillée par des intérêts commerciaux immédiats.
Voulant profiter du revers subi par Barack Obama sur le gel de la colonisation israélienne, Nicolas Sarkozy se prend pour le magicien des Mille et Une nuits . Il mise, un peu vite et naïvement, sur le volet syrien pour tenter de relancer le processus de paix tout en montant en première ligne contre l’Iran. Dans le même temps, il continue de fermer la porte de l’Europe à la Turquie : un triple mirage.

Depuis le sommet arabe de Damas (mars 2008), le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a su, avec intelligence, briser l’isolement diplomatique dont était victime son pays depuis l’assassinat de l’ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri (14 février 2005). En nouant des partenariats régionaux avec le Qatar, la Turquie et, dans une certaine mesure, la France ; en amorçant une normalisation avec l’Arabie Saoudite, il a su replacer son pays au centre du jeu, refaisant de la Syrie l’indispensable pivot des différents arcs de crises proche et moyen-orientales. Outre le lien persistant entre l’occupation israélienne du plateau du Golan et celle des autres territoires occupés (fermes libanaises de Chebaa, Jérusalem, Cisjordanie et bouclage de Gaza), la dimension syrienne reste l’une des clés des évolutions en Irak, en Iran, voire en Afghanistan. Sans la participation active de Damas, pas de coopération antiterroriste efficace, pas de stabilité durable en Méditerranée.
Rappelant d’autres petits télégraphistes, Nicolas Sarkozy a transmis à son homologue syrien une lettre que le Premier ministre israélien lui avait remise la veille. Benyamin Netanyahou y proposait l’ouverture de « négociations directes sans conditions » , sur le seul volet syrien. On sait ce qu’il faut penser de ce genre de proposition formelle et de saucissonnage des dossiers. En homme averti, Bachar al-Assad a renvoyé la proposition à l’envoyeur, assignant au président français une triple mission : relancer la médiation turque initiée en mai 2008 et interrompue en janvier 2009 par la nouvelle agression israélienne contre Gaza ; favoriser une réconciliation entre Hamas et Autorité palestinienne, réconciliation sans laquelle rien ne sera possible ; enfin, poursuivre les efforts franco-syriens en vue d’une consolidation de la stabilité au Liban.

Fort de sa formation de médecin, Bachar al-Assad s’est ensuite livré à une indispensable leçon de choses sur la colonisation. Prenant acte de l’échec de la demande américaine d’un gel des colonisations israéliennes et réaffirmant le lien existant organiquement entre les volets syrien et palestinien, il a dit que, dans tous les cas de figure, ce gel ne signifierait en aucun cas une acceptation du fait accompli, étant entendu qu’il s’agirait de mettre en œuvre, le moment venu, un retrait de tous les territoires occupés par Israël conformément aux résolutions des Nations unies. « Le gel des colonisations, a répété le président syrien, c onstitue une condition nécessaire mais certainement pas suffisante. Ce serait bien s’il intervenait parce qu’il permettrait de rétablir une confiance minimale afin de relancer les négociations. »

Dernière dimension du message syrien : hormis la centralité de Damas, les deux grands pays qui œuvreront à un règlement final global sont la Turquie et l’Iran. Par conséquent, «  il est vain de criminaliser le programme nucléaire iranien sans proposer des garanties concrètes et réalistes à Téhéran » , a conclu Bachar al-Assad, renvoyant la reprise du processus de paix à l’esprit des négociations de Madrid (1991) : la paix contre la terre.
C’est oublier qu’Israël a, depuis Sharon, adopté un autre logiciel : la paix contre une nouvelle donne stratégique impliquant non pas la restitution de la terre, mais l’anéantissement du Hamas et du Hezbollah.

Monde
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